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 Sauve-moi, si tu l'oses !

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MessageSujet: Sauve-moi, si tu l'oses !    Sauve-moi, si tu l'oses !  Icon_minitime31.10.13 10:48


Sauve-moi, si tu l'oses !  Tumblr_mc9eq51jXB1rp2k2wo1_500

« the night is dark and full of terrors »


Nerveuse. Un état d'esprit que trahissait le léger tremblement des mains qui rabattaient la capuche de soie brodée de fourrure sur la masse brillante des cheveux du même éclat sombre que le vêtement. Le coup de l'horloge sonnait le dernier quart d'heure avant minuit. « L'heure des malhonnêtes gens ! » Bien qu'elle était couchée entre les draps avec une furieuse migraine, Mary pouvait distinctement entendre le ton désapprobateur de sa gouvernante. Le fait de lui avoir caché son escapade nocturne n'avait donc servi à rien ; elle avait beau tourner la situation dans tous les sens, rien n'y faisaient : le sentiment de culpabilité la rongeait comme le vers la pomme juteuse, emblème sacré du fruit défendu depuis qu'on lui avait pour la première fois appris à lire la Bible. Qui aurait alors cru qu'en grandissant, elle serait un jour amenée à risquer le Diable ? Qui plus est pour une présence masculine, qui lui avait donné rendez-vous en pleine nuit alors que la neige recouvrait encore la terre sèche des jardins ? Lissant les plis de sa mante, Mary jeta un dernier coup d'œil au miroir qui trônait au dessus de la petite commode du vestibule. Son reflet la fit rougir. Détournant le regard, de peur et de honte, elle attrapa ses gants et la petite bourse contenant ses clés et le billet qui la priait, au respect de toutes les règles de l'art de la galanterie, de bien vouloir la rejoindre à minuit précise près des serres, sous le grand pommier. Elle marchait sur la pointe des pieds, par crainte d'éveiller le valet et les deux caméristes qui étaient à son service. Pour ne pas attirer leur l'attention, elle n'avait pas commis l'erreur de leur donner leur soirée. Aussi, c'était avec un petit retard qu'elle s'apprêtait à passer le dernier rampant qui lui permettait encore de faire marche arrière. Un instant d'hésitation, les doigts en suspend sur la poignée, Mary ferma les yeux. Puis, secouant la tête d'un air un peu trop énergique pour être tout à fait serein, elle franchit l'espace. Ouvrant prudemment la porte, en prenant bien soin de ne pas faire grincer les gongs, la jeune fille s'élança avec l'adresse d'un chaton dans le glacé du début de la nuit.

Les pas pressés, sans être frénétiques, crissaient sous la fine pédicule immaculée qui recouvrait le domaine. Une brise hivernale obligea la jeune fille à reserrer son vêtements et à rentrer la tête. Elle pouvait sentir le froid lui manger les joues, qu'elle devinait d'une teinte du même rose que les poupées avec lesquelles elle avait l'habitude de jouer lorsqu'elle était enfant. Au loin, le Palais se dressait comme un joyau d'un coffret, les jardins faisant office d'écrin pour les quelques centaines de fenêtres d'où perçaient une lumière vive et mouvante. Ce soir-là, Madame donnait salon. Un salon à sa façon, puisqu'il ne manquait jamais quelques musiciens pour égayer la soirée selon le bon vouloir d'Henriette qui, cette après-midi déjà, se réjouissait des festivités. Bien entendu, Mary n'avait pas été conviée. Mais loin d'en être désolée ou piquée à vif de déception, la jeune fille avait dissimulé sous un masque de non réaction un bonheur si vif qu'à peine rentrée chez elle, elle avait exécuté quelques pas de danse à la mode. Une attitude qui contrastait fort avec son aspect de petite fille sage que maintes fois, certains de ses (trop rares) amis lui avaient reproché. « Il vous faudra bien un jour entrer pleinement dans le monde, si vous vous destinez à un titre d'Altesse. » La voix douce et rieuse d'Aliénor résonnait contre son petit cœur battant soudain un peu plus fort. Elle n'avait pas remarqué qu'elle s'était déjà enfoncé dans les jardins et que le grand pommier approchait à grands pas. Elle s'arrêta. Qu'était-elle donc en train de faire ?

Quelques éclats de rire lui parvinrent depuis l'une des terrasses. Des têtes coiffées de plumes et petites pierres scintillantes tressaillaient sous l'effet du vin de champagne qui coulait à flot. Ne voulant risquer de tomber dans un rayon de lumière, Mary recula dans l'ombre d'un bosquet et se laissa aller contre le rempart feuillu. Fébrilement, elle chercha à la hâte le petit billet plié en quatre. Venez me rejoindre , aux douze coups de minuit, sous le grand pommier du potager royal. Je vous y attendrai. B. Leva la tête vers le ciel dont la pleine lune égayait quelque peu les gros nuages, elle pressa le papier contre son cœur. Combien de fois avait-elle réfuté l'idée de se rendre à ce rendez-vous ? Trop de fois pour, maintenant qu'elle était décidée, faire marche arrière. Il ne restait plus que quelques mètres à franchir et elle serait en sécurité, à l'abri des regards de quelques quidams qui se seraient égarés, comme elle, dans ce cimetière de fleurs. Pour la énième fois, Mary se répétait que des semaines et des mois passeraient avant qu'elle n'ait de nouveau la chance de revoir son ami. Et le risque de son trépas au front restait également intact. Il n'y avait rien de compromettant dans cette entreprise. Craquement de branches.

Telle piquée par une abeille, Mary fit volte-face. Dans l'obscurité à présent totale, elle ne distinguait rien. Prudemment, elle fit quelques pas en direction de la serre. Les éclats de voix des la fête se faisaient lointains, presque sourds. Elle n'entendait que le battement assourdissant de son cœur. Tête baissée pour ne pas s'accrocher dans les ronces, elle avançait sur la pointe de ses souliers. Nouveau craquement, Mary recula. Se retournant sur elle-même, elle avança à reculons. Deux craquements. La gorge sèche, les yeux brouillés par le froid, la jeune fille resta immobile. Et soudain... un souffle. Tout près d'elle, là à quelques mètres. Vite ! S'enfuir ! Sauter telle une biche au dessus du petit bosquet et rentrer chez elle. Cette maison qu'elle n'aurait pas due quitter, quelle folie avait-elle commise ? Elle allait pour prendre ses jupes lorsqu'elle fit brusquement tirée en avant par le bras puissant. Elle ne pouvait rien distinguer, sinon une odeur de parfum cher et entêtant. Retournée en pirouette, elle se retrouva plaquée contre un torse d'homme - il n'y avait à présent aucun doute. « What in God's name...! » Sa langue maternelle avait repris le dessus sans qu'elle ne s'en aperçoive. Mais déjà, avant qu'elle nait eu le temps de dire "ouf !", une main vint se plaquer contre sa bouche, lui intimant le silence. Et une voix sortie des entrailles de la terres vint lui murmurer contre l'oreille.
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Benoît de Courtenvaux


Benoît de Courtenvaux

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Une fois offert et mis à lambeaux, il est pour l'heure tout entier à son roi.
Côté Lit: Je n'y tiens pas une collection ! Mais il n'est pas glacé non plus.
Discours royal:




ϟ La Main au collet ϟ

Âge : 32 ans et des poussiè... (Non pas ce mot maudit)
Titre : Marquis de Courtenvaux, Magistrat parlementaire et avocat
Missives : 371
Date d'inscription : 10/04/2012


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MessageSujet: Re: Sauve-moi, si tu l'oses !    Sauve-moi, si tu l'oses !  Icon_minitime01.11.13 0:45

- Monsieur le marquis sort ce soir ? Monsieur le marquis court un danger ? Monsieur le marquis veut que …
- Monsieur le marquis voudrait un instant de calme avant de faire ce qu’il a à faire, d’accord Nicéphore ?

Ce qu’il avait à faire était bien simple et à la fois lui demandait un grand effort puisqu’il s’agissait ni plus ni moins de supprimer un homme.  Ce n’était pas tous les jours, fort heureusement qu’il devait en arriver à ces extrémités, mais depuis quelques jours cet homme rôdait un peu trop autour de Versailles et surtout questionnait trop ... Lorsqu’il s’était rendu dans cette auberge, déguisé en fermier, il s’en était rendu bien compte et ses suspicions n’avaient pu qu’être confirmées. Pire qu’une curiosité malsaine, cet individu achetait, menaçait et avait pu ainsi remonter à quelques personnes dont une était une indicatrice du marquis. C'était une jeune femme impressionnable à qui bien sûr il n’avait jamais donné sa véritable identité. Elle s’était vue molestée violemment, mais n'avait donné aucun renseignement. Elle en gardait des ecchymoses et le sang de Benoît n’avait fait qu’un tour dans ses veines, à la vue de la pauvre femme encore apeurée dans son lit. Le lâche lui avait promis qu'il reviendrait ! Cet individu lui paierait ça. Benoit ignorait s’il était un sinistre personnage travaillant pour le compte du complot, ou pour lui-même afin de faire un chantage quelconque, mais à la rigueur qu’importait pour l’instant ! Le danger était trop présent et surtout imminent pour se pencher un peu trop sur ces considérations.  En éliminant ce pion ou cet espion qui sait, il ferait reculer le péril à défaut de l'anéantir tout à fait. S'il avait le temps, il l'interrogerait bien sûr mais s'il ne l'avait pas, tant pis ... Quoi qu'il en soit, il devait disparaître, cela était certain.

Ce soir, il profiterait du piège qu’il lui avait tendu. En effet, il avait demandé à la jeune fille un dernier service avant de la mettre en sécurité, celui de lui céder une information - puisque ce charognard en voulait tant -  qui l’arrangeait grandement. Il avait été dit à cet énergumène qu’il pourrait mettre la main sur un espion la nuit même, dans les bosquets de Versailles non loin de la serre.  En soi, c’était véridique mais bien entendu, il n’avait pas été précisé que l’espion s’attendrait plus que jamais à sa venue, et connaitrait son visage. Donc Benoît avait une bonne longueur d’avance sur lui.

Or la nuit tombant bien tôt encore en ce mois de février, les heures de la journée s’écoulèrent bien vite. Il était temps de gagner le palais du roi soleil. Ce soir, il ne monterait pas dans son carrosse qui aurait bien trop gêné pour cette mission, étant particulièrement voyant. De plus, s'il avait à fuir rapidement, ce n'était pas le plus commode. C’était dit, il prendrait son cheval et là aussi, les recommandations des médecins concernant ce bout de lance encore coincé entre ses côtes, n’y feraient rien. Il fallait non seulement redoubler de vigilance mais aussi de discrétion. Se levant de son fauteuil aux alentours des neuf heures du soir, il attrapa au vol ses gants et donna ses dernières recommandations à son fidèle et malentendant domestique, déjà bien inquiet pour lui.

- Rappelle-toi, prends soin d’Edmond et d’Alexandrine pour ce soir, et si jamais je meurs, le pape devra être disponible afin de me donner l’absolution. Mon oncle est aux chevaliers de Malte et donc il me doit bien ça !

Comme de coutume, il dût répéter plusieurs fois ce qu’il venait de dire pour se faire un minimum comprendre. Après s’être escrimé à cette tâche, il prit donc la sortie de son hôtel particulier. Sa monture était déjà scellée  comme demandé et sans plus attendre, l’espion mit le pied à l’étrier avant de la lancer au galop vers Versailles.

Bravant le froid bien que grelottant malgré tout, il y parvint quelques temps plus tard non sans avoir éclaboussé bien des passants qui se trouvaient sur les bords des  routes. Il n’y avait d’ailleurs pas plus fait attention que ça, il s’en rendit compte en voyant l’état de ses propres bottes. Vision qui le fit grimacer d’effroi. Heureusement ses mouchoirs chassèrent cette crasse soudaine,  une fois qu’il eut dissimulé son cheval en l’attachant à un mur non loin du palais. Bien entendu, on ne fit pas de difficultés pour lui permettre d’entrer au château. Il y avait cercle ce soir, et il était toujours le bienvenu aux jeux organisés de la cour de par son rang et sa position. Il s’y montra que fort peu de temps néamoins comme on peut se l’imaginer. Il prétexta un soudain mal de crâne pour fuir toutes ces mondanités. Ayant gagné les jardins, il se tapit en silence dans l’ombre attendant l’arrivée de son homme, non loin du lieu indiqué par son indicatrice. Les minutes passèrent sans qu’aucun bruit si ce n’est les claquements de bottes des gardes restés au service de la reine, ne parviennent à ses oreilles. Benoît guettait un bruissement bien plus suspect que les pas militaires de la relève, et ce son ne tarda plus d’ailleurs. A quelques mètres de lui, une ombre venait en effet d’apparaître. En revanche, ce n’était pas un homme, mais bien une femme. Et d’ailleurs la fine étoffe de sa robe qui produisait cet agréable froufrou sur l’herbe le lui avait fait deviner.

Benoît grimaça de nouveau. Encore une femme ayant sans doute rendez-vous avec un galant, sauf que cette entrevue pouvait lui être fatale, en plus du fait de peut-être tout faire rater ! Après tout, l’inconnu ignorait tout du sexe de l’espion et il pouvait se méprendre ! Il ne fallait pas d’une victime collatérale ! Maugréant, pestant entre ses dents il prit le risque de se glisser derrière cette imprudente, après avoir regardé une ultime fois aux alentours pour voir si l’autre n’était pas déjà là. Quelle idée de se promener en temps de guerre ou tout comme et de nuit, alors qu’on est une femme ! Oui il fallait être bien imprudente pour s’y risquer !  Lorsqu’il fut derrière elle, en un bond, il la tira jusqu’à lui avant de lui faire faire un demi-tour sur elle-même pour qu’elle ne voit pas son visage. Quelques secondes plus tard, il étouffait son cri en la ballonnant de sa main et en la ceinturant de son autre bras.  Au vu de son exclamation, il s’agissait d’une anglaise. Encore une de ces dindes frivoles entourant  la princesse Henriette sans doute, et qui devait s’ennuyer comme la plupart des dames de la cour depuis que l'on ne pensait plus qu'aux combats.

"As-tu déjà dansé avec le diable au clair de lune, la belle ? Je te conseille de te taire, si tu ne veux pas en faire l’expérience !"

Benoît d’une voix plus grave que la sienne, venait de lui murmurer cela à l’oreille afin de l’effrayer suffisamment. En règle générale, cela provoque une certaine paralysie due à la panique et la victime se sent prête à ne pas provoquer la colère de son agresseur.  En la maintenant toujours plaquée contre son torse, il la souleva assez pour faire quelques pas en arrière et être ainsi un peu plus à l’abri des regards indiscrets, c’est-à-dire ceux du visiteur qu’il attendait. Mais la dame se tortillant comme jamais, il n’allait pas la garder longtemps ainsi, cela pouvait effectivement tout faire manquer. Un cri étouffé, un geste trop brusque et tout serait fini pour tous les deux qui plus est. Mais il ne pouvait pas non plus lui permettre de prendre ses jambes à son cou pour son propre bien. Il n’était pas impossible qu’elle tombe nez à nez avec lui et Dieu seul savait ce que l’autre aurait pu lui faire, il l’avait bien vu, il n’était pas homme à reculer devant la faiblesse d’une femme. Bien au contraire même ! Alors que faire ? Il y alla de nouveau à coup de menaces.

- Agenouille-toi, n’abuse surtout pas de ma patience.

A genoux tous les deux, cachés derrière le bosquet où ils se trouvaient, ils seraient déjà bien moins visibles. Les secondes pouvaient compter pour la réussite de sa mission. Il ne lui laissa d’ailleurs  pas d’autres choix que de plier ses rotules, même si bien sûr il le fit sans coups. Il la bouscula assez pour ça simplement. Il restait un gentleman et s’il agissait de la sorte, c’était bien à cause de cette situation très périlleuse pour tous les deux.

- Arrête de gigoter ou je n’hésiterai pas à tordre ton joli cou, c’est compris !

Et parlant de cou, Benoît savait très bien lui l’étrangleur qu’au niveau de la jugulaire non loin de l’oreille, il existe un point de compression. Si on y appuie suffisamment et l'espace de quelques secondes seulement, on coupe l’arrivée du sang au cerveau, ce qui provoque bien entendu un évanouissement instantané.  Au vu de l’urgence et ne pouvant pas prendre le risque d’être reconnu, c’est ce qu’il entreprit de faire. Chassant en seul geste donc sa chevelure brune sur son autre épaule, il pressa son pouce à cet endroit précis.

- Et maintenant tu vas dire bonjour à Morphée. Je t'apprécie mais j'ai horreur de sentir ton souffle humide sur ma paume.

C’est alors qu’il l’allongeait délicatement sur l’herbe que le marquis  reconnut Mary of Monaghan. Il s’agissait d’une irlandaise dont son ex fiancée Catherine s’était toquée.  Il leva les yeux au ciel à cette seule pensée, puis se concentra à nouveau sur son objectif.

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MessageSujet: Re: Sauve-moi, si tu l'oses !    Sauve-moi, si tu l'oses !  Icon_minitime01.11.13 18:18

« As-tu déjà dansé avec le diable au clair de lune, la belle ? Je te conseille de te taire, si tu ne veux pas en faire l’expérience ! » Mary eut volontiers répliqué qu'elle n'avait nullement l'envie de parler, mais d'avantage de se laisser plonger dans le bienheureux vide où elle risquait probablement de tomber. En effet, son cœur avait lâché au moment même où l'inconnu sursurait les paroles menaçantes contre la conque fragile de son oreille droite. Pourtant, son instinct de vie lui commandait, inconsciemment, de se battre. Du moins, avant que la main qui la bâillonnait n'ait raison de son souffle qui se faisait de plus en plus mince. De toutes les façons qu'elle s'était imaginée de mourir, elle ne s'était encore jamais vue étouffée. Qui plus est par un homme qui profitait lâchement des ténèbres de la nuit pour s'acquitter de son effroyable besogne. Hélas, elle n'était pas de taille à vaincre la poigne impressionnante de son agresseur, qui semblait pouvoir briser un fer à cheval entre ses mains. « Mmmh ! Mhmmmhmmh... mhhmmmh ! » Bien décidée à ne pas dire adieu à la vie ce soir-là, Mary s'efforça de se dégager de l'étreinte. Consciente qu'elle n'était pas suffisamment habile pour user de la force, force dont elle ne disposait du reste pas, elle choisit la technique bien féminine : celle, malgré l'obstacle évident de son étrange muselière, d'essayer de se faire suffisamment audible afin de mettre à jour évident mécontentement. Outre le fait que le quidam lui parlait d'une façon fort peu élégante, elle n'était pas de celles qui se laissaient impressionner par une voix d'outre-tombe. Et si la nuit était propice aux farces, la plaisanterie avait assez duré !

Cependant, l'énergumène, loin de se laisser distraire dans sa sinistre entreprise, semblait ne pas tenir compte de ses piètres protestations. Mary pouvait en effet sentir qu'il la tirait en arrière, sans doute pour finir sa besogne à l'ombre de quelque ronces bien tranchantes où il achèverait de dissimuler le corps de sa victime. Dans la perspective de ne pas ressortir vivante de ce ballet morbide, la jeune fille lança une rapide prière pour recommander son âme au ciel. Après quoi, elle attendit les yeux fermés le couperet tranchant de la mort. Mais il n'en fut rien. A la place, le sinistre personnage aboya un susurra un nouvel ordre. « Agenouille-toi, n’abuse surtout pas de ma patience. » Un gémissement de la jeune fille accompagna leur chute à terre. Ainsi donc, ce monstre poussait la cruauté jusqu'à vouloir, avant d'accomplir son acte utilme, se repaître de son corps qu'il devait sentir neuf. C'était donc le châtiment réservé aux jeunes filles qui s'aventuraient au dehors, en pleine nuit, appâtées par l'appel du galant ? Bien qu'elle n'avait à présent plus aucun espoir de sortir vivante de ce guet-apens, Mary se promit que si par quelque miracle, elle s'en sortait, elle brûlerait sur-le-champ le billet qui l'avait décidée à sortir ce soir-là. Et tout à coup, elle se souvint : Benedikt ! On ne se trouvait pas si loin du fameux pommier où il l'attendait ! Peut-être, si elle gémissait un peu fort, elle l'attirerait ? Pour sûr, il serait de taille à terrasser l'agresseur et à la ramener saine et sauve jusqu'à chez elle ! Ravigotée par cette idée, Mary entrepris une nouvelle fois de batailler avec le corps imposant qui venait creuser son dos. En vain. « Arrête de gigoter ou je n’hésiterai pas à tordre ton joli cou, c’est compris ! » « Mmmmmhhhhhmmmm !! » Le cri de chat qu'elle lâcha contre la peau rude fut tout aussi étouffé que les premiers. Dans l'espoir de mordre un bout de chaire, Mary ne s'était pas suffisamment concentré sur le son strident dont certaines dames usaient. Et c'était ainsi qu'elle voulait sonner l'alerte ? Et puis soudain, elle sentit que l'on écartait sa mente et que l'on libérait sa nuque fragile. Le coup de grâce approchait. Tout ce qu'elle sentit ensuite, c'était un souffle chaud contre sa peau, un doigt habile manipulant sa délicate ossature et une voix plus noire que l'Enfer qui murmurait : « Et maintenant tu vas dire bonjour à Morphée ! Je t'apprécie mais j'ai horreur de sentir ton souffle humide sur ma paume. »

Mary sombra alors dans un profond sommeil. Un monde de rêves où se mêlaient le tourbillon des fêtes de Madame, des visages travestis aux dents longues et des yeux injectés de sang qui raillaient sa toilette. Changement de décors. Le visage sournois de Benedikt qui signait son billet du sang d'une de ses veines entaillée avec la plume des péchés. Nouvelle image. Les pleurs de sa mère à présent, et la colère paternelle qui s'abattait sur elle. Puis plus rien, juste un long et effroyable tunnel sans fin dans lequel elle tombait. Plus vite, toujours plus vite. Elle criait mais aucun son ne sortait de sa bouche. Puis un éclat de lumière. Etait-ce une fenêtre du palais qu'elle distinguait ? Au loin, le son des violons lancés dans un trémolo ressemblant vaguement à un semblant de tradition espagnole. Au dessus d'elle, un ciel sans étoiles. Elle se sentait allongée dans une masse humide et froide. Grelottante, elle chercha à se couvrir. Nouveau trou noir. Durant quelques secondes, Mary ne vit rien. Puis, brusquement, elle ouvrit les yeux. Elle mit quelques temps à réaliser qu'elle était allongée dans la neige fondante, et qu'une vive douleur aux tempes l'empêchait de se rehausser. La migraine se faisant plus insistante, elle gémit. Tournant la tête, elle distingua une silhouette imposante faisant le guet. Et tout à coup, la mémoire lui revint. Les yeux noisette écarquillés de stupeur et de colère mêlée, elle envoya sur les roses ses craintes et sa souffrance. D'un bond dont pour lequel elle ne sut où elle avait tiré la force, elle se redressa. Bien que chancelante, Mary mangea les quelques mètres qui la séparaient de son agresseur et d'un coup violent, s'accrocha avec ses petites mains autour de son cou. La surprise les fit reculer et dans un fracas assourdi par la fine couche immaculée qui jonchait le sol, il s'écrasèrent contre terre. Aussi rapidement que le lui permettaient ses membres endoloris, Mary attrapa la première branche tombée de l'arbre le plus proche et, forçant l'homme à se retourner, s'apprêtait à le ruer de coups. « Espèce de fou, truand, assassin ! Faquin, suppôt du Diable, je vais te corriger de la sorte que jamais, jamais plus tu ne pourras t'attaquer à une femme sans défense ! Je vais... je... ! »

La stupéfaction lui coupa le souffle, et par la même ses menaces. Gisant à terre comme un malpropre, le Marquis de Courtenveaux la dévisageait. Le mouvement en suspend, Mary ouvrit la bouche sans qu'aucun son n'en sorte. Durant quelques secondes, aucun des deux protagonistes de cette scène qui, du glauque passait à la farce, ne bougea ni ne pipa mot. Elle finit néanmoins par lâcher la branche qui tomba au sol dans un bruit sourd. Plaquant une main gantée contre ses lèvres gercées par le froid, la jeune fille se releva sans comprendre. Pour finalement, une fois ses esprits en place et les rythmes de son cœur calmés, lâcher quelques mots dans un froufrou de consternation. « Vous ! C'est vous qui m'avez agressée ?! »
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Benoît de Courtenvaux


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MessageSujet: Re: Sauve-moi, si tu l'oses !    Sauve-moi, si tu l'oses !  Icon_minitime22.11.13 20:21

En d’autres circonstances, Benoît se serait maudit d’aussi peu de galanterie, mais les circonstances l’avaient exigé de lui. Quasi témoin gênante pour ses activités d’espions et victime en devenir du bandit qu’il pourchassait, à cette heure, Mary of Monaghan n’avait plus l’essence d’une femme mais bien d’un obstacle. Elle ne devait rien voir, n’assister à rien ! C’est bien pour cela que l’obstacle avait été mis de côté, endormi dans les buissons.  Et d’ailleurs le marquis ne lui prêtait plus guère d’attention. Sa concentration, comme celle d’un chat caché dans les buissons, s’était portée sur des bruits de pas qui se rapprochaient. Seuls son scalp et ses yeux dépassaient des branchages. S’agissait-il encore d’un inopportun ou d’une galante ou bien de son homme ? Portant sa tête sur la gauche, Benoît put mieux voir cette personne. Oui c’était bien son homme. Il recula lentement, toujours ventre à terre, afin de le contourner en rampant. L’autre ne devait pas s’apercevoir qu’il l’épiait mais penser qu'il s'agirait d'un promeneur. Son plan était de le bousculer et d’entamer un semblant de dialogue avec lui, avant d’en venir aux extrémités incontournables dans cette affaire. Il désirait le sonder un peu sur ce qu’il savait. Mais être autant rempli de poussière crispa le marquis. Il ne tarda plus à se remettre sur ses deux jambes, avant qu'il ne tousse comme un tuberculeux. En quelques mouvements, il chassa toutes saletés de ses habits et emprunta l’allée comme si de rien n’était. Personne d’autre ne venait à l’horizon. C’était tant mieux. Il fallait agir maintenant. L’autre le vit arriver et fronça aussitôt les sourcils. A sa hauteur, Benoît fit cogner son épaule contre la sienne.  Il put juger ainsi des muscles puissants de son futur adversaire, la partie serait rude, s’ils avaient à se battre !  

- Vous pouvez pas vous excuser non ?
- Ah mon ami, moi on m’a toujours dit : Ne vous excusez pas, ce sont les pauvres qui s'excusent. Quand on est riche, on est désagréable ! Qu’est-ce que vous voulez, je suis riche alors je suis désagréable !

L’espion du roi eut un petit rire moqueur. Sa cible vit tout à coup rouge et l'empoigna par les plis de son pourpoint. Il profita à l'instant même, que les deux bras de l’homme soient occupés et non les siens, pour sortir rapidement son pistolet et le lui faire tâter au niveau du ventre.  Puis Benoît retira de la ceinture de l’inconnu, l’arme que l’autre y avait mise.

- On se calme tout de suite ! Demi-tour et en avant, on va aller causer un peu du côté de la serre. On devrait y être plus tranquilles.

Son ennemi eut une mine stupéfaite puis son visage s’éclaira tout à coup. Il venait de comprendre qu’il s’agissait d’un piège lancé par son indicatrice et qu’il y était tombé pieds joints.

- Cette garce me le paiera !
- Je vois que vous avez enfin compris. Vous savez quelle différence il y a entre un con et un voleur ? C'est qu'un voleur, de temps en temps, ça se repose. C’est pour ça que vous êtes là de nuit, et bien réveillé ! Tout s’explique ! Et vous ne lui ferez rien du tout, vous en aurez pas l’occasion.  En avant j’ai dit !

Benoît appuya le bout du pistolet un peu plus sur son estomac et l’autre se retourna pour marcher en direction de la serre. Une fois l’énergumène adossé contre un des murs du bâtiment, l’espion interrogea :

- Qu’est-ce que vous vouliez à fouiner comme ça ? Pour qui travaillez-vous ?

L’autre ricana.

- Tu crois sans doute que je vais te le dire ?!
- Je me doute bien que non, même si nous aurions les moyens de vous faire parler. Mais ce que je sais en revanche, c’est que même si je ne l’apprends pas, ce que vous savez n’aura pas le temps d’être su par ceux qui vous paient. Et ça, c’est l’essentiel !

Une fois de plus, son ennemi fit retentir son rire aux alentours.

- Tu vas me tuer, toi ? Tu as plutôt l’air d’un mignon de Monsieur que d’un vrai homme avec tes cheveux gominés, et tes mains blanches, alors laisse-moi en douter …  Tu me diras en tirant, rien n’est plus facile c’est certain !

Benoît ne supportait pas en règle générale que l’on pense de lui, qu’il pouvait être homosexuel à cause de son raffinement. Cela le piquait au vif comme jamais, alors de la bouche du truand, cela eut encore plus d’impact sur sa fierté !  Il jeta par conséquent les deux pistolets à plusieurs mètres d’eux, dans les fourrés et se mit en position de combat.

L’autre lui sauta alors dessus, le faisant tomber sur le dos. Il lui compressa un bon moment les cervicales mais par un habile jeu de jambes, Benoît se dégagea et lui assena un coup de coude au niveau de l’arrête nasale. Ce point très sensible touché, son ennemi y porta aussitôt sa main qui se remplit de son sang . Benoît profita de ce court instant de répit pour sortir son fameux nœud coulant. Ce fut à son tour de serrer violemment la corde autour de son cou, cependant l’homme n’était pas sans reste et porta plusieurs coups de coude lui-même, à ses côtes. De quoi, faire atrocement mal au parlementaire à cause d’une ancienne blessure de guerre.  Malgré tout, le long apprentissage fait bon nombre de fois avec l’aide d’un adepte de la secte de Khali, eut raison de sa cible. L’inconnu quelques minutes après le début du combat au corps à corps, s’affaissa de tout son poids, mort.

Benoît roula à ses côtés, exténué, le souffle court et ferma les yeux un instant pour demander pardon à Dieu. Il détestait tuer même lorsque c'était une question de survie pour lui et pour les autres ! Sa piété bien développée revenait dans ces cas là en force. Tout à coup, un bruit le fit de nouveau être aux aguets. Quelqu’un approchait ou était-ce un animal quelconque ? Ses yeux balayèrent l’allée mais rien. Sans doute était-ce donc qu’un oiseau nocturne ! Il respirait derechef, lorsque des mains s’enroulèrent autour de son cou.  Il crut un instant, ne pas avoir vraiment tué cet homme. Quel fou d’avoir baissé sa garde ! Il aurait dû comme toujours s’assurer de son pouls ! Son agresseur et surtout lui eurent un mouvement de recul qui les emportèrent les quatre fers en l’air, quelques mètres plus loin. La voix haut perchée et féminine qui suivit ce geste, le détrompa cependant très vite qu’il ne s’agissait pas de son mort. En effet, Mary of Monaghan très bien remise, s’apprêtait à l’assommer à coups de branche morte. Il la savait punching ball de Madame, mais pas vraiment boxeuse ! Ce geste le surprit donc énormément, tandis qu’il levait les bras en guise de signe de paix. Que pouvait-il faire d’autre pour l’instant, il ne pouvait pas parler, la jeune fille l’agonissait d’insultes.

" Espèce de fou, truand, assassin ! Faquin, suppôt du Diable, je vais te corriger de la sorte que jamais, jamais plus tu ne pourras t'attaquer à une femme sans défense ! Je vais... je... "

Enfin, elle marquait une pause dans tout ce débit de paroles !  Comment pouvait-il calmer cette hystérique ? Mais d’un autre côté, il acceptait tous ces mots peu aimables puisqu’en effet, il avait attaqué en quelque sorte une femme sans défense ! C’est pour ça, qu’il ne répondit rien tout de suite. Son mea culpa intérieur ne lui en laissant guère le temps. Ce fut la chute de la branche non loin de lui, et surtout le bruit qu’elle produisit, qui l’en fit sortir.

" Vous ! C'est vous qui m'avez agressée ?!  "

Il n’allait pas avouer que c’était lui bien évidemment. Il lui fallait mentir ! Le corps sans vie de son adversaire que la jeune femme n’avait pas encore vu, allait lui servir.  Il se releva, s’épousseta et leva les épaules avec une mauvaise foi terrible.

- Mais je ne vous permets pas mademoiselle ! Comment osez-vous me traiter ainsi alors que je vous ai justement sauvée ! Venez donc !

Il la prit sans ménagement par la main et la conduisit jusqu’au cadavre.

- Cet homme voulait vous faire une chose innommable. Il soulevait vos jupes, lorsque je l’ai trouvé si vous voulez tout savoir. Je l’ai corrigé comme il se doit, et comme tout gentilhomme l'aurait fait ! Je lui ai passé ma lame en travers du corps. Et vous, vous me remerciez à coup de bûche ! Mais ça ne devrait pas me surprendre, l’une de vos amies m’a remerciée de la bague que je lui avais offerte en me trompant avec un autre. Elle a dû vous donner ses leçons de savoir-vivre bien à elle !

La mauvaise foi de Benoît se mêlait maintenant au sentiment de méfiance qu’il avait toujours ressenti envers la marquise. Une méfiance qui trouvait son origine dans cette amitié ouverte avec Catherine de Corlay. Elle semblait être sa mentor. Jamais ô grand jamais il ne parlait de cette époque, mais la seule présence de Mary et la volonté de porter la conversation sur autre chose que ce mort, le faisait déroger à la règle. Et une fois parti dans cette direction, c’est ce qui  l’amena à aller de plus en plus loin.

- Et la prochaine fois, si vous voulez ne plus vous faire attaquer, ne tentez plus le diable ! Évitez de retrouver un galant en pleine nuit et dans les bosquets qui plus est ! Où aviez-vous la tête ? C'est stupide ! Vous savez, chez nous, il vaut mieux passer pour un fou, que pour un imbécile et vous ne risquez pas la camisole vous !

Oui il la traitait de sotte, et se montrait ouvertement odieux ! Mais ce  n’était pourtant pas anodin donc, car il préférait de loin une querelle, des gifles pour son insolence, à des questions un peu trop curieuses de la part de la demoiselle. La curiosité n’est-elle pas un apanage typiquement féminin et il fallait la freiner très vite ! La mettre d’autant plus en colère en la traitant de gourde et de dévergondée était une stratégie comme une autre, après tout !
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