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 Quand les capitaines se noient en ville

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MessageSujet: Quand les capitaines se noient en ville   Quand les capitaines se noient en ville Icon_minitime14.04.13 18:05

Quand les capitaines se noient en ville Tumblr_me362ztACR1qb6ydzo1_500


« Les drogues sont un défi à l’esprit. »

Une lettre officielle était rarement une bonne nouvelle, surtout quand elle venait d'Espagne, qu'elle portait le sceau Habsbourg et accompagné d'une autre lettre cacheté des Sforza. Quand ces deux courriers arrivèrent simultanément, l'italien avait arqué un sourcil, émit une grimace et en avait détourné les yeux, comme si elles pouvaient disparaître aussi facilement. Lui avait continué à faire sa vie, se rendant dans le salon où dormait son chat, la jolie Lys avec ses grands yeux vairons, un œil bleu et un vert qui s'étira et vint se frotter à son maître qui la prit pour la caresser sur ses genoux. Mais puisqu'il fallait une personne responsable dans cette maison, Bachir rejoignit son capitaine, les deux lettres à la main. Le garçon avait désormais presque vingt et un ans, il était bien loin du petit garçon de dix ans apeuré qui avait quitté le Maroc précipitamment avec celui qui s'appelait Amir à l'époque. Aujourd'hui, il était un jeune homme aux cheveux noirs bouclés, la peau dorée et le corps fin, comme un adolescent qui avait grandi un peu vite. Heureusement qu'il était là car le capitaine n'était vraiment responsable qu'à bord d'un bateau. Sur la terre ferme, il vivait en général chez des amis ou alors laissait son épouse s'occuper de l'intérieur. Quand cela n'était pas le cas, c'était Bachir qui jouait les intendants, à organiser la maison et faire que son capitaine vive sa vie convenablement. Il en était de même pour les courriers, surtout du genre officiel : le jeune marocain les décachetait, les lisait et en résumait le contenu à son capitaine qui lancerait encore des remarques. Aujourd'hui n'était pas différent des autres.

« Capitaine, avez vous vu les lettres apportées de Milan ?
Vu, oui. Mais pas lu. répondit Sandro tout en grattant la tête de son chat
Celle de Milan est de votre père, il demande de vos nouvelles et vous joint une lettre que avez reçu avec le sceau royal espagnol. Cette deuxième lettre est de la régente Marie-Anne.
Que me veut-elle ? Heureusement que les hauts placés n'écrivent pas eux même, cela lui aurait fait trop de mal. se moqua l'italien avec un petit sourire en coin.
Elle vous annonce que le navire El Dragón Volador a quitté Séville et qu'il vous attendra à Ostende.
Ostende ? En … mer du Nord ? Mais pourquoi ? il avait levé la tête vers Bachir, étonné d'une telle bêtise.
C'est que … c'est la guerre, capitaine. Vous avez dit au revoir au capitaine Palma, ainsi qu'à d'autres. Et il est évident que vous êtes aussi enrôlé pour vous battre. Face à cette idiotie et le visage sérieux du marocain, Sandro éclata de rire, trouvant cela stupide. Cela veut dire que nous allons nous battre ?
Ai-je une tête à me battre, vraiment ? Je suis un marin, un capitaine, je me suis battu pour sauver ma peau et mon bateau, mais jamais pour un royaume. Quelle drôle d'idée ! Mais je pense que nous avons pas le choix mon petit Bachir ! »

A cette nouvelle, il ne fallait pas traîner pour préparer les malles et s'organiser pour partir au plus vite. Comme toujours, Alessandro prenait tout son temps, ne s'occupait de pas grand chose et avait même décidé de sortir le soir, promettant comme toujours de ne pas rentrer trop tard et de faire attention à lui. Il avait rendez vous avec un ancien marin français, Jean, qui avait perdu un œil il y a quelques années et qui avait envie de s'amuser en compagnie de notre italien devenu espagnol. Mais Bachir ne croyait jamais quand son capitaine lui disait qu'il ne rentrait pas tard. En général, il revenait au milieu de la nuit ou ne revenait pas. Et il était complexe au départ de le trouver car Sandro n'écumait pas les tavernes. Certes, il s'y rendait mais n'avait pas le vice de la boisson, prenait juste une choppe pour accompagner mais la finissait rarement. Pour les bordels, il s'y rendait assez peu, ayant assez de succès auprès du monde. Mais la chance voulait que Sforza était un aimant à ennuis et qu'il se retrouvait dans de drôles d'histoires en un rien de temps et Bachir avait pris pour habitude d'aller chercher le capitaine au Châtelet, où il passait souvent la nuit. Il n'était jamais un mauvais prisonnier, Alessandro essayait souvent de convaincre les autorités qu'il n'avait rien fait, mais riait tant qu'on ne pouvait le croire. Alors le jeune marocain venait souvent le chercher et le sortir de sa cellule où il avait passé la nuit à dormir et faire la conversation à qui le voulait. Il passait pour l'illuminé du coin, celui dont on écoutait les histoires mais dont on pensait, à tort, que tout cela n'était qu'invention pure.

Ce soir là, Sandro rejoignit tout d'abord son ami au Coq Rouge, une taverne sympathique non loin du cimetière des Innocents. Il y avait du monde comme souvent, boire était sans doute un sport international pour la plupart des hommes de ce monde, sauf pour notre ami Sforza qui ne buvait que des alcools du bout du monde mélangé à son thé, sauf le rhum qu'il buvait occasionnellement avec quelques amis. Un peu plus tard, les deux sortirent et ont échoué dans un autre endroit où ils continuèrent à rire et discuter. Et quand Sandro sortit une petite boîte avec des feuilles séchées, qu'il en sortit cinq pour commencer à les mâcher, l'ami Jean fut curieux.

« Alors Sforza, tu manges de la verdure ?
Je la mâche. Feuilles de coca du Pérou, l'ami. Tu veux essayer ?
Je me méfie avec toi. Qui te dit que je ne vais pas voir le roi de France ailé chevauchant un lion dans des contrées roses ? Je me souviens de ta dernière proposition.
Pas ma faute si tu as un métabolisme de fillette ! C'est sans danger, je le promets ! »

Le borgne se saisit du même nombre de feuilles séchées et les porta à sa bouche. Sandro lui expliqua d'où ça venait, et les vertus médicales à la base de cette plante, mais détournée à des fins beaucoup moins curatives ! Et la soirée se poursuivit, dans la joie et la trop grande bonne humeur, on peut même parler d'euphorie !

Le lendemain matin, Bachir savait que le capitaine n'était pas un lève-tôt, surtout après une longue soirée. A quelle heure était-il rentré ? Sûrement tard, le marocain ne l'avait pas entendu revenir à la maison. Neuf, dix, onze heures sonnèrent sans que la porte de la chambre ne s'ouvre sur un Sandro en robe de chambre, un large sourire aux lèvres à dire bonjour à tout le monde comme si chaque matin était un petit paradis sur terre. A midi, n'y tenant plus, Bachir ouvrit discrètement la porte pour se faufiler dans la chambre. Il avait toujours peur que son maître ait fait une mauvaise réaction à ses plantes et n'ait pas eu le temps d'appeler à l'aide. Mais en inspectant la chambre, tout semblait normal, sauf peut être … que le lit était vide et n'avait pas été défait. Poussant un long soupir, Bachir savait que si son maître n'était pas rentré, c'est qu'il ne pouvait pas sortir de là où il était. Enfilant un manteau et prenant une bourse dans sa poche, il partit en direction du Châtelet. C'était toujours la même rengaine, il venait à l'hôtel de police avec un peu de gêne et demandait à voir le prisonnier Sforza. L'homme face à lui le regarda d'un drôle d'air, chercha dans son registre, puis partit quelques instants avant de revenir en haussant les épaules :

« Désolé petit mais ton prisonnier n'est pas là.
Quoi ? Mais ce n'est pas possible ! Il est toujours là, je viens le chercher assez régulièrement pour le connaître. » s'affola Bachir.
Bah pas cette fois, désolé. »

L'homme ne devait jamais avoir vu Alessandro ni comprendre pourquoi le marocain s'inquiétait autant. Sans se démonter, il entra dans l'hôtel de police pour demander à voir le lieutenant-général, Gabriel Nicolas de La Reynie. Bachir et lui s'étaient déjà rencontrés à plusieurs reprises, mais jamais dans cette circonstance et le jeune homme n'avait jamais été si inquiet :

« Mon maître n'est pas rentré de la nuit et n'est pas chez vous non plus. Vous avez déjà vu souvent le capitaine dans de drôles d'états ou dans les ennuis. J'ai peur qu'il lui arrive des ennuis. »

Mais où était Alessandro ? C'était là toute la question !


Dernière édition par Alessandro Sforza le 07.11.13 23:50, édité 1 fois
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Gabriel N. de la Reynie


Gabriel N. de la Reynie

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Son travail est son seul amour...et éventuellement son fils!
Côté Lit: Quand il a le temps et qu'il est d'humeur, une dame galante et consentante, mais jamais elle devra passer avant sa charge!
Discours royal:



Justicier en chef
La perfection au masculin

Âge : 41
Titre : seigneur de la Reynie, lieutenant général de police
Missives : 260
Date d'inscription : 26/10/2012


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MessageSujet: Re: Quand les capitaines se noient en ville   Quand les capitaines se noient en ville Icon_minitime18.05.13 1:01

Le Châtelet s’éveillait à peine quand le lieutenant de la Reynie y était entré et avait ordonné qu’on fasse un feu dans son bureau. Il faisait encore froid et plutôt sombre. C’était donc le gardien ensommeillé qui s’était acquitté de la tâche tandis que Gabriel lui faisait remarqué qu’il n’avait pas intérêt à ce qu’il débarque pendant la nuit pour s’apercevoir qu’il passait ses nuits à dormir au lieu de monter la garde. En réalité, Gabriel avait deux mots à dire au jeune homme qui jurait ses grands dieux qu’il n’y avait pas plus vigilant que lui alors que la population se plaignait d’avoir à le réveiller quand il lui arrivait de devoir faire appel à la maréchaussée le soir. Mais ce n’était pas le moment : le lieutenant avait eu une idée, une idée qu’il se plaisait à juger brillante et comme à chaque fois qu’il avait une idée de la sorte, cela virait à l’obsession et rien d’autre ne comptait. Le pauvre futur ex-gardien était donc en train de s’agiter dans tous les sens pour tenter de justifier son attitude :

- Vous savez m’sieur, personne peut mieux garder la maison la nuit. Avec moi, tout ça c’est entre de bonnes mains.
- C’est vrai ce qu’on dit, répondit poliment le lieutenant. Vous êtes le fils d’un démon et d’une pucelle. Mais vous avez plus pris de la pucelle ! Enfin bon laissons cela !

Gabriel lui fit un signe impatient pour qu’il se taise et quitte son bureau, ce que le gardien de nuit s’empressa de faire, soulagé à tort sur son avenir dans la police française. Gabriel se rendit sur un coin de son bureau, prit le trente-quatrième papier à gauche du buvard vert et s’attela à la tâche. Il s’agissait d’une carte détaillée de Paris, annotée par le lieutenant lui-même. Gabriel caressait depuis longtemps maintenant l’envie d’éclairer les rues de Paris la nuit. On l’avait traité de fou, enfin surtout son ami Colbert qui avait presque fait une crise d’apoplexie en voyant ce que cela allait coûter au Trésor. Mais Gabriel avait usé de trésors de patience afin de le convaincre et voilà qu’il était sur le point de réaliser son grand projet. Décidant de déléguer la sécurité à ses commissaires – ce n’était jamais que leur travail après tout – il se consacrait pratiquement nuit et jour à son idée. Aujourd’hui, il déciderait des emplacements, de l’espace entre chaque lanterne. Pour l’instant, seules les maisons bourgeoises porteraient chacune une lanterne au premier étage. Comme ça, les bonnes gens pourraient rentrer chez eux parfaitement sereins. Pour les quartiers pauvres, il n’était pas encore parvenu à débloquer des fonds. Le fait que c’était dans ces endroits-là que ça serait le plus utile n’avait apparemment pas été un argument suffisamment percutant.

- Mais enfin monsieur le lieutenant de police, avait dit l’un de ses subordonnés pour le calmer, les bourgeois seront en sécurité dans leurs quartiers quoi qu’il arrive.

Gabriel s’était retenu de gifler cet imbécile. Il ne lui fit pas remarquer que le travail de la police consistait aussi à protéger les pauvres gens.

- Parce que vous pensez que les bourgeois ne se promènent jamais dans les quartiers malfamés ? Il serait grand temps que vous refassiez un peu de terrain !

Sans compter les nobles qui y trainaient. Cela ne se disait pas et aucun d’entre eux n’oserait l’avouer mais la majorité de la clientèle des tavernes malfamées – car ils risquaient moins d’y rencontrer quelqu’un de connu, du moins le pensaient-ils – était composée d’aristocrates qui venaient chercher le frisson. Le nombre de fois que Gabriel, suite à un avis venu de la Cour, était obligé d’intervenir personnellement afin de libérer un comte ou un marquis qui « s’était égaré » selon la formule d’usage.

Mais bon, au moins la plus grande partie de Paris serait déjà éclairée et cela découragerait certainement les rôdeurs. Gabriel était tellement fier de son travail qu’il ne vit pas la matinée passer. Aussi quand Dantet entra vers sexte, il crut que son secrétaire allait comme à l’accoutumée prendre son ton le plus paternel afin de lui rappeler qu’il était temps de manger mais celui-ci lui annonça simplement :


- Monsieur le lieutenant, monsieur Bachir est là et désire s’entretenir avec vous. Dois-je le faire entrer ?

Gabriel poussa un long soupir de lassitude et s’enfonça un peu plus dans son siège. Il connaissait le valet et redoutait ses visites. Non pas que l’homme lui fisse peur mais cela voulait dire qu’il allait encore devoir sauver la mise de son maître.

- Qu’il en soit ainsi, soupira-t-il finalement en regardant Dantet d’un air plein de sous-entendus.

Le secrétaire – qui connaissait aussi le motif des visites du dénommé Bachir au Châtelet – étouffa un léger rire, s’inclina et sortit pour revenir quelques secondes plus tard en compagnie du visiteur. Gabriel lui fit un geste négligeant de la main pour l’inviter à s’asseoir en face de lui.

- Alors, Bachir, dites-moi : qu’est-ce que votre maître n’a pas fait ce jourd’hui ?

C’était une sorte de plaisanterie qu’il aimait faire chaque fois qu’il avait affaire au capitaine Sforza. Ce gentilhomme italien était un personnage plutôt haut en couleur qui se retrouvait toujours mêlé malgré lui aux intrigues les plus sombres et les plus scabreuses de la capitale. Pour une raison qui échappait totalement à Gabriel, toutes les apparences étaient à chaque fois contre l’italien et il n’y avait que le lieutenant de la Reynie pour croire à son innocence. Ça n’avait pas toujours été le cas : lors de leur première rencontre – une sombre affaire de vol durant un souper – Gabriel avait été intimement persuadé que Sforza était coupable pour finalement se rendre compte que ce curieux bonhomme était en réalité une éternelle victime des circonstances. Il était donc régulièrement obligé d’aller le chercher dans les prisons du Châtelet, convainquant ses hommes qu’il n’avait pas arrêté le bon coupable.

- Mon maître n'est pas rentré de la nuit et n'est pas chez vous non plus. Vous avez déjà vu souvent le capitaine dans de drôles d'états ou dans les ennuis. J'ai peur qu'il lui arrive des ennuis.

Gabriel fronça les sourcils. Bachir était loin de la vérité quand il parlait de « drôles d’états ou d’ennuis », Sforza était toujours dans bien pires que ça. Il était tout le temps retrouvé par les policiers en train de délirer et charriant des effluves peu chrétiennes. La plupart du temps, il se demandait au petit matin comment il était arrivé en cellule. Il aurait donc pu lui arriver absolument n’importe quoi.

- Es-tu bien sûr qu’il a disparu ? Il est vrai qu’il lui est peut-être arrivé quelque chose mais il a peut-être tout simplement rencontré une dame assez charitable pour lui offrir le gite cette nuit. Ou peut-être qu’il a passé la nuit chez un ami, son état ne lui permettant pas de rentrer en son logis ?

Mais Gabriel n’y croyait qu’à moitié. Il s’agissait d’hypothèses parfaitement plausibles pour n’importe quel citoyen de Paris, mais pas celui-là. Il avait un tel don pour se fourrer dans des pétrins qui défiaient l’imagination qu’il n’était certainement pas confortablement installé dans un lit douillet pour éviter d’avoir à se promener dans les rues à une heure indue et dans un état incertain. Il lança un regard plein de regrets à sa carte de Paris dont les inscriptions disparaissaient sous les annotations. Il allait devoir laisser ce travail qui lui tenait tant à cœur pour aller sauver cet embrouilleur professionnel qu’était le capitaine Sforza. Il était tenu d’y aller : quel que soit la mésaventure qui était arrivée à l’italien, il serait le seul à croire à son innocence. Et il était trop épris de justice pour laisser commettre une erreur judiciaire.

Dans un dernier soupir, il enfila sa cape et ses gants. Il dit à Dantet de dépêcher sur ses pas une dizaine d’hommes. Il sortit donc dans la rue, accompagné de Bachir.


- Bien, tu vas me dire tout ce que tu sais sur la soirée de ton maître et nous allons reconstituer son itinéraire. Nous trouverons bien des témoins.

Ils se rendirent donc dans les quartiers où Sforza avait l’habitude de se faire arrêter et ils s’arrêtèrent tout d’abord devant une maison fermée de tous les côtés. La maison de tolérance préférée de Gabriel. Non pas qu’il y soit client, mais là, résidait ses meilleures mouches. Il se tourna donc vers la mère maquerelle, une nonne défroquée absolument adorable.

- Bonjour à vous sœur Nicole, votre journée se déroule-t-elle de façon agréable ?
- Monsieur de la Reynie ! Mais quelle joie de vous voir parmi nous !
- C’est que, j’aurai bien besoin des services de vos filles.
- Pour le petit monsieur ? demanda-t-elle en jaugeant Bachir du regard, lui attribuant probablement mentalement l’une des demoiselles afin de le déniaiser.
- Hélas, je ne viens pas pour une affaire aussi agréable, dit Gabriel en s’amusant intérieurement de la méprise.

Il lui apprit alors la disparition du capitaine et lui demanda si elle serait assez aimable pour envoyer quelqu’un collecter des informations qu’on ne donnerait pas à un membre de la police.

- Riquet ! appela simplement sœur Nicole et un garçonnet sale et l’air effronté fit son apparition. Le capitaine Sforza a encore des ennuis. On ne sait pas où il est. Tu pourrais aller voir en ville si tu n’apprends pas quelque chose ? Si tel est le cas, contacte monsieur de la Reynie. Tu le connais, vous avez déjà travaillé ensemble, n’est-ce pas ?

- Ouais, répondit le dénommé Riquet. Je l’aime bien en plus le capitaine Sforza. Il est marrant et il me donne souvent de l’argent pour que j’aille lui chercher des paquets. Vous voudriez pas savoir, rajouta-t-il précipitamment en voyant l’air inquisiteur du lieutenant de police.

Gabriel ne voulait effectivement pas savoir. Enfin, pas maintenant du moins. Mais il faudrait un jour qu’il sache où Sforza se procurait les substances qui le mettait dans des états pareils. Il remercia Riquet qui fila ainsi que sœur Nicole et se rendit avec Bachir à la taverne du Coq d’Or. Le lieutenant de police imagina ce quartier enfin éclairé la nuit, on éviterait ce genre de problèmes. Il rêva d’une époque où toutes les rues seraient éclairées, la ville serait un véritable paradis sur terre. Enfin, pas tout à fait, il pourrait y avoir la guerre. S’il y avait la guerre et que la ville était envahir par une armée ennemie, euh prenons une armée venue de l’une des principautés d’Allemagne par exemple – pourquoi l’Allemagne, il n’en savait rien, une bête idée en vérité – l’éclairage public ne pourrait rien contre les bombardements. Peut-être même que dans l’avenir, les bombardements feraient plus de dégâts que ceux d’aujourd’hui, pourtant déjà meurtriers. Mais bon, encore une fois il rêvait d’un avenir possible et se déconcentrait de son affaire. Pour l’heure, son éclairage public aurait permis à plus de gens d’apercevoir Sforza, point barre.

Gabriel ne comprenait absolument pas cet engouement pour les tavernes, il avait déjà passé des soirées délicieuses à se saouler en compagnie des ducs de Richmond et de Sudermanie, ses deux meilleurs amis, simplement installé dans un salon d’une résidence privée, pas dans un endroit public où l’on risquait à la fois de perdre son honneur et de se faire détrousser. Il se dirigea vers le tenancier qui prit un air inquiet en reconnaissant le lieutenant de police.


- Monsieur Vaillant, je sais que vous avez vu le capitaine Sforza hier soir.
- Ah ça, pour sûr m’sieur la Reynie. Il était avec son ami qui est borgne, là, dit-il en mettant sa main devant son œil.
- Oui, je sais ce que ça veut dire, merci, répondit Gabriel d’un air agacé. Qu’ont-ils fait ?
- Ils ont mâché des feuilles, ils ont joué, puis ils sont partis avec un monsieur que j’avais jamais vu.
- Des feuilles, répéta Gabriel qui se demanda ce que Sforza avait encore bien dégotté. Et cet homme, avec qui ils sont partis, à quoi ressemblait-il ?
- Un grand sec, blond, avec une cape noire, répondit Vaillant en prenant un air inspiré.
- Eh bien, si avec des détails aussi précis on ne le retrouve pas, se moqua gentiment Gabriel.
- J’en sais pas plus monsieur le lieutenant, se défendit Vaillant. Vous savez, il y a beaucoup de clients le soir, je peux pas faire attention à tout.
- Non, bien sûr que non, répondit Gabriel avec un sourire qui se voulait bienveillant. Ça te dit quelque chose ? demanda-t-il à Bachir sans vraiment y croire.

Il avait posé la question par acquis de conscience mais il ne voyait vraiment pas ce qu’un portrait aussi mince pourrait inspirer au valet.
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MessageSujet: Re: Quand les capitaines se noient en ville   Quand les capitaines se noient en ville Icon_minitime01.07.13 18:28

Bachir avait beau parfois critiquer son capitaine, trouver que ses agissements ne sont pas vraiment catholiques ou plutôt musulman dans son cas) mais il était bien placé pour connaître Alessandro et ses habitudes. Bien qu'imprévisible au premier abord, le Sforza avait toujours ses habitudes, avait adopté un rythme de vie presque normal depuis son arrivée à Versailles et ses disparitions n'étaient dues qu'à des ennuis contre son gré. Et le jeune marocain savait où le retrouver : au Châtelet, c'était d'une évidence même. Alors ne pas le voir ici l'inquiétait, sinon jamais il n'aurait dérangé le lieutenant général de police dans son lourd emploi du temps, juste pour quelques affaires sans importance, il était trop poli pour cela.

« Es-tu bien sûr qu’il a disparu ? Il est vrai qu’il lui est peut-être arrivé quelque chose mais il a peut-être tout simplement rencontré une dame assez charitable pour lui offrir le gîte cette nuit. Ou peut-être qu’il a passé la nuit chez un ami, son état ne lui permettant pas de rentrer en son logis ? expliqua Gabriel, cherchant une explication plausible à cela.
Oh non monsieur, je connais mon capitaine depuis plus de dix ans, je sais comment il vit. Même une dame ne l'aurait pas fait découcher, encore moins son ... état. Hésita-t-il, ne voulant pas parler de drogues. Le capitaine paraît un peu ... original quand on ne le connaît pas, mais il n'aime pas découcher, sauf quand il l'a décidé ou qu'il est en voyage. Croyez-moi quand je vous dis que ce n'est pas normal.
Bien, tu vas me dire tout ce que tu sais sur la soirée de ton maître et nous allons reconstituer son itinéraire. Nous trouverons bien des témoins. »

Le regard de Bachir fut d'une grande reconnaissance. Il est vrai que sans son protecteur, il n'était plus grand chose et était tout de même attaché à cet italien farfelu et attachant malgré tout. Alors que La Reynie enfila sa cape et qu'ils quittèrent ensemble le Châtelet, Bachir lui expliqua où avait sûrement rendez-vous son capitaine, il traînait souvent dans les mêmes lieux, et avec qui. Encore un marginal, Bachir ne savait pas comment Sandro pouvait se lier d'amitié avec ce genre de personne et surtout où il les rencontrait ! Mais le marocain ne fit pas de remarque à ce sujet à haute voix, il était tout de même inquiet de savoir si son capitaine allait bien. Heureusement que sa peau mate cachait le rouge aux joues alors que le lieutenant-général cogna à une maison de passes. Alessandro avait des goûts spécifiques en matière de femmes, il trouvait la plupart des européennes "banales" selon ses termes et les demoiselles les plus exotiques se trouvaient dans ce genre d'endroits. Alors quand la propriétaire des lieux, une nonne !, le montra comme client potentiel, il ouvrit les yeux tout ronds et devint écarlate, sa peau ne pouvait pas le cacher !

Heureusement, ils quittèrent bien vite cet endroit pour quelque chose de plus normal, une taverne. Il était amusant de faire l'amalgame entre un homme qui fréquentait les tavernes et un homme qui boit. Sandro buvait peu, il rajoutait un peu de rhum dans son thé voilà tout, il avait déjà assez de vices dans ce domaine. Mais le capitaine buvait juste un verre pour accompagner, du rhum en général mais rarement plus. Cela ne l'empêchait pas de ne pas passer inaperçu, le taulier le connaissait aussi, quelle belle réputation. Mais l'homme avait de quoi dire, le marocain fronçait les sourcils à la description de l'inconnu qui était venu. Grand, mince, blond ... Cela pouvait être n'importe qui pour le commun des mortels mais Bachir n'en connaissait pas des dizaines.

« Ça te dit quelque chose ? demanda La Reynie.
Je ne suis pas sûr … Il se tourna vers tavernier. Savez vous comment il a appelé le capitaine ?
J'ai pas entendu, mais ma fille pourrait vous le dire ! Gerberge ! hurla-t-il en tournant la tête.

Une jeune fille d'une vingtaine d'années, gracile fit son apparition. Elle n'avait pas vraiment le physique de son prénom car elle avait un corps gracile, de longs cheveux blonds et une peau diaphane. De quoi faire perdre le peu d'assurance qu'avait Bachir qui ne trouvait plus ses mots et arborait un petit sourire niais. Mais aussi belle soit Gerberge, le jeune marocain ne devait pas oublier qu'il était en présence du lieutenant général de police pour retrouver le capitaine Sforza. Il tenta de se reprendre mais l'on pouvait entendre un peu de trémolo dans la voix.

« Pardonnez moi de vous déranger mademoiselle mais ... auriez vous servi le capitaine Sforza ? Un homme à fort accent italien, brun, un peu excentrique ... ?
Oh oui, le capitaine ! Bien sûr ! Vu son enthousiasme, peu de doute que le charme du capitaine a fait effet.
Vous l'avez donc vu avec un grand blond ?
Oui. Cet homme avait l'ait un peu inquiétant. Le capitaine a eu quelques mots avec lui, puis le capitaine et son ami sont partis avec lui, pas franchement ravi si vous voulez mon avis.
Et comment cet homme a t'il appelé le capitaine ? Autre chose que capitaine Sforza ?
En effet, il l'a appelé Datu.
Oh, merci mademoiselle. »

Le jeune homme regarda partir la demoiselle, qui repartit par là où elle était entrée, laissant un Bachir soucieux. Il fallait bien dévoiler un peu de la vie de son capitaine pour avancer l'affaire.

Datu était un surnom donné au capitaine lors de notre mission à Manille. Beaucoup l'appelait comme cela, dont un homme correspond à la description. Car des grands blonds à l'autre bout du monde, en terre espagnole, cela ne courait pas les rues ! Il fit une drôle de moue puis reprit. Il s'appelait Falck, il était un corsaire hollandais, le genre pas très net, qui faisait du commerce avec les chinois. Et par commerce, j'entends trafic pas bien recommandable. Le capitaine était un gérant des colonies et il était hors de question que Falck et ses amis fasse de son île une plaque tournante d'un commerce parallèle … »

Il s'arrête lorsqu'un homme un peu ventru et essoufflé, sans aucun doute membre de la police, entra dans la taverne :

« Monsieur ! On a retrouvé un homme à quelques rues de là parlant du capitaine Sforza, un borgne du nom de Jean. »

Sans avoir pu finir son histoire, Bachir suivit La Reynie et son employé à trois rues d'ici. On relevait péniblement un homme du tas d'ordure où il avait comaté, vu les coups qu'il avait reçu. Le pauvre homme n'était pas bien frais, c'était le moins que l'on puisse dire. Et il commença a raconté la soirée, un peu de façon décousu, à base d'histoires de plantes, de Pérou et de jolies filles à la peau cuivrée.

« … Et là, des hommes ont survenu de nul part et m'ont assommé ! Je sais que Sforza a couru dans cette direction. Je me souviens, il riait comme si c'était un jeu en hurlant "Le diable est de retour !" ! Un vrai fou ! Bachir leva les yeux au ciel et se retint de rire tandis que le marin reprit. Falck est souvent vers les bords de Seine, il est comme les poissons, il a besoin d'eau pour vivre. La dernière fois qu'il était venu, il vivait non loin du Pont-Neuf. »

Et c'était reparti pour une nouvelle expédition dans Paris pour le lieutenant-général de police et le jeune marocain, chacun devant penser qu'ils ne feraient cela que pour le capitaine, et personne d'autre ! Bachir s'amusait malgré tout ! Même s'il s'inquiétait pour son maître, il le connaissait assez pour savoir que ses aventures se finissaient toujours bien, même s'il fallait de l'aide pour l'en sortir. C'était pour cela qu'il avait fait appel à La Reynie. Paris n'était pas bien grand et le Pont-Neuf, magnifique pont et le plus long de Paris où trônait la statue d'Henri IV était un bijou d'architecture. Mais de quel côté chercher ?

« Je doute que Falck n'ait mis le capitaine en évidence, il est sûrement bien caché. Et vous n'allez pas entrer dans chaque maison, si ? Demanda le jeune homme avec beaucoup d'espoir dans le regard.

Bien qu'il ait la petite vingtaine à présent, Bachir n'était pas grand-chose sans son mentor, Sandro lui avait tout appris et lui avait fait découvrir le monde, plus qu'il n'aurait jamais pu imaginer dans toute une vie ! Et plus d'ennuis qu'il n'en aura jamais en quatre vies ! Alors que les deux hommes parlementaient à comment procéder, un cri se fit entendre, suivi d'un coup de feu qui sortit d'une fenêtre. Tournant les yeux vers d'où venait ce bruit, ils purent voir une maison en bordure de Seine, une personne de dos s'enfuir par la fenêtre et grimper vers le toit. Quelle drôle de vision, totalement incongrue en plein Paris et en journée ! Bachir pensa de suite à son capitaine mais les habits n'allaient pas. Mais quand un homme passa la tête par la fenêtre et proféra des menaces avant de chercher comment monter, la personne sur le toit, tourna la tête.

« Mais oui, mais oui, c'est bien le capitaine ! » S'exclama le jeune homme.

Alessandro Sforza se trouvait donc sur le toit d'une maison parisienne dans un drôle d'accoutrement puisqu'il était vêtu d'un habit de cosaque bouffant, blanc et rouge et un chapeau assez ridicule. Il ne semblait pas bien tenir l'équilibre sur ce toit en tuile un peu vieilli et son poursuivant qui était debout à la fenêtre, prêt à aller le chercher. Une scène absolument hors norme, et les badauds commençaient à lever le nez en l'air pour savoir ce qu'il se passait. Il faut dire qu'Alessandro provoquait son ennemi, toujours hilare.

« Jamais un hollandais ne m'a eu ! Et ce n'est pas un aussi mauvais marin que toi qui m'aura, tu ne sais même pas mettre un pied devant l'autre, ce sont les chinois qui doivent t'aider ! »

C'était totalement surréaliste et Bachir n'en revenait pas d'une telle scène. Ce genre de choses étaient arrivées mais être sur le toit d'une maison au Maroc ou à Manille était tout de même autre chose qu'à Paris ! C'est comme s'il faisait cela à Madrid, cela passerait moins. Et voilà donc Sforza, à trois étages du sol à rire alors que le hollandais commençait à se hisser sur le toit.

« Il faut faire quelque chose ! Bachir avisa la maison d'à côté, collée à celle-ci et qui était légèrement surélevé de sorte à ce qu'on puisse atteindre le toit depuis le troisième étage, avec un tout petit peu d'agilité. Par là ! »

Vraiment, qu'est ce qu'on ne ferait pas pour sauver un Sforza !
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Gabriel N. de la Reynie


Gabriel N. de la Reynie

« s i . v e r s a i l l e s »
Côté Coeur: Son travail est son seul amour...et éventuellement son fils!
Côté Lit: Quand il a le temps et qu'il est d'humeur, une dame galante et consentante, mais jamais elle devra passer avant sa charge!
Discours royal:



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Âge : 41
Titre : seigneur de la Reynie, lieutenant général de police
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Date d'inscription : 26/10/2012


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MessageSujet: Re: Quand les capitaines se noient en ville   Quand les capitaines se noient en ville Icon_minitime16.10.13 16:34

En ce moment, Gabriel détestait le capitaine Sforza. Viscéralement. Il savait pertinemment qu’il ne s’agissait en aucun cas d’une haine rationnelle et qu’elle se calmerait sitôt qu’il reprendrait ses esprits, mais tout de même ! Alors qu’en ce moment, il pourrait travailler à son si merveilleux projet, le mettre en place afin de convaincre les hommes du conseil qu’ils avaient eu raison de lui faire confiance, d’assurer la sécurité d’une partie de la population, il se retrouvait à courir en tout sens à travers Paris afin de retrouver un débauché notoire histoire de lui éviter d’être victime d’une erreur judiciaire. En plus, il détestait se remettre à enquêter sur le terrain quand il avait mieux à faire dans son bureau. C’était pour cela qu’il avait crée la fonction de commissaire de police : pour pouvoir tout contrôler sans avoir à se salir les mains. Mais comme il n’avait pu recruter personne de réellement compétent, le voilà, crotté jusqu’aux bottes, à errer dans la ville en faisant le travail de ses mauvais commissaires. Et tout cela parce que cet italien de malheur n’avait pu gérer, une fois de plus, ses débordements. Non, décidément, en cet instant précis, Gabriel détestait le capitaine Sforza. Mais malgré tout, il devait bien admettre qu’il serait soulagé de le retrouver et de le savoir en sécurité.

Contre toute attente, la très faible description du tavernier semblait dire quelque chose à Bachir. Quand celui-ci demanda comment le quidam avait appelé le capitaine, en guise de réponse, le tavernier appela sa fille, dénommée Gerberge. Gabriel ne put s’empêcher de se laisser aller à imaginer la demoiselle et l’image qui se formait dans son esprit n’était guère flatteuse pour la jeune fille. C’est pourquoi il fut des plus surpris de voir apparaître une très jolie fille, qui semblait un peu intimidée. Gabriel se reprit afin de voir ce qui pouvait la mettre dans un tel état et c’est là qu’il vit que les hommes qui le suivait depuis le début de l’enquête, la regardait d’un air qui ne promettait rien de très vertueux.


- Veuillez sortir messieurs. Et vous devriez arrêter de sourire! Je vous promets, cela devient malsain ! N’ayez crainte, mon enfant, dit-il d’un air bienveillant, ce jeune monsieur aurait quelque chose à vous demander.

Il poussa Bachir en avant.

- Pardonnez moi de vous déranger mademoiselle mais ... auriez vous servi le capitaine Sforza ? Un homme à fort accent italien, brun, un peu excentrique ... ?
- Oh oui, le capitaine ! Bien sûr !

Vu l’air charmé de la jeune Gerberge, Gabriel se dit qu’elle était peut-être aussi légère que son apparence finalement. Peut-être s’était-il mépris sur ce qu’il avait pris pour de l’intimidation face aux policiers. Il préféra penser que non, il ne détestait rien tant que se tromper.

- Vous l'avez donc vu avec un grand blond ?
- Oui. Cet homme avait l'ait un peu inquiétant. Le capitaine a eu quelques mots avec lui, puis le capitaine et son ami sont partis avec lui, pas franchement ravi si vous voulez mon avis.
- Et comment cet homme a t'il appelé le capitaine ? Autre chose que capitaine Sforza ?
- En effet, il l'a appelé Datu.
- Oh, merci mademoiselle.

À ces mots, la douce Gerberge – il ne se faisait décidément pas à son prénom – ramassa ses jupes et s’élança dans l’escalier, quittant la pièce et Bachir sembla un moment perdu dans sa contemplation. Gabriel se décida donc à l’obliger à revenir parmi les vivants :

- Bien, peut-être peux-tu m’éclairer sur ce que ce surnom signifie. Je ne suis pas au fait de toutes les aventures de ton maître.

Bachir sembla se reprendre et expliqua au lieutenant général qu’il s’agissait d’un hollandais du nom de Falck. C’était un corsaire plutôt versé dans le trafic des produits en tout genre et qui commerçait des marchandises peu recommandables avec les chinois. Lorsque le capitaine était gérant d’une colonie du nom de Manille – Gabriel avait lu ce nom sur une carte, mais en vérité il connaissait très peu de choses sur le monde en-dehors de la France puisqu’il n’avait jamais quitté son pays natal – il l’avait défendue des mauvaises négoces de ce hollandais. Sûr qu’ils étaient ennemis et, à ce prix, pour une fois il avait vraiment dû arriver quelque chose de grave à l’italien. Gabriel ne voulait pas être pessimiste mais il avait déjà dû arrêter quelques trafiquants et ce qui arrivait à ceux qui se mettaient en travers de leur chemin n’était pas vraiment très rassurant. Vu l’admiration que le jeune Bachir éprouvait pour son maître, il n’osait pas lui en parler mais le lieutenant de police commençait à redouter l’état dans lequel ils allaient retrouver le capitaine.

C’est à ce moment-là que l’un des hommes se permit d’entrer à nouveau dans la taverne pour l’avertir qu’on venait de mettre la main sur un borgne du nom de Jean. Redoutant un peu le témoignage qu’il allait falloir recueillir, Gabriel suivit l’officier, Bachir sur les talons, à trois rues de là. Pour sûr, le borgne avait été malmené, il s’était visiblement pris des coups et pas des plus délicats. Il se mit à parler immédiatement, il commença par un récit qui parlait de jolies filles, de contrées lointaines que le lieutenant de police ne connaissait pas, de plantes qu’il ne connaissait pas plus quand il en arriva à ce qui les préoccupait :


- Et là, des hommes ont survenu de nulle part et m'ont assommé ! Je sais que Sforza a couru dans cette direction. Je me souviens, il riait comme si c'était un jeu en hurlant "Le diable est de retour !" ! Un vrai fou ! Falck est souvent vers les bords de Seine, il est comme les poissons, il a besoin d'eau pour vivre. La dernière fois qu'il était venu, il vivait non loin du Pont-Neuf.
- Merci mon brave, nous allons vous faire conduire à l’hôtel-dieu où vous serez soignés.

Gabriel fit signe à deux de ses hommes de s’exécuter puis il partit vers le Pont-Neuf avec les autres. Le lieutenant de police commença sérieusement à envisager de draguer la Seine pour voir si on n’y trouverait pas un cadavre. Il se demanda ce qu’il lui faudrait faire si jamais c’était le hollandais qu’on trouvait au fond de l’eau. Il avait toujours protégé le capitaine Sforza mais là, comment prouver son innocence ?

- Je doute que Falck n'ait mis le capitaine en évidence, il est sûrement bien caché. Et vous n'allez pas entrer dans chaque maison, si ?
- Si, Bachir, c’est ce que nous ferons mais nous ne sommes pas assez nombreux pour procéder de la sorte.

Gabriel quitta donc brièvement le jeune homme pour aller donner des ordres à ses hommes : il leur faudrait encore une trentaine d’hommes, qu’ils aillent en chercher dans les commissariats de Paris, quitte à se faire aider de la garde. En attendant, que l’on bloque toutes les issues du quartier autour du Pont-Neuf afin d’empêcher l’italien comme le hollandais de s’enfuir. Alors qu’il en était là dans ses investigations lorsqu’il entendit un coup de feu et des cris. C’est alors qu’il vit le capitaine Sforza – qu’il eut un peu de mal à reconnaître vu son accoutrement parfaitement ridicule qui venait d’on-ne-sait-où, Gabriel devrait demander à son ami le duc de Sudermanie qui savait toujours ce genre de choses – se hisser sur le toit. Alors que son équilibre était plus que précaire, il continuait de crier des propos totalement incohérents. Peu de temps après, on vit un grand blond sec qui correspondait effectivement à la description de l’aubergiste, se hisser à son tour sur le toit. Gabriel parvint tout juste à se remettre de sa surprise et il hurla à ses hommes d’intervenir.

- Sur le toit, monsieur ?
- Non, répondit Gabriel, rendez-vous dans la cave, c’est plus sûr !

Puis, devant l’air ahuri de ses hommes :

- Oui, sur le toit ! Imbéciles ! Et vite, il risque de se faire tuer !

Gabriel observa le manège des deux hommes depuis le sol en se disant qu’il avait rarement eu l’occasion d’assister à une scène aussi surréaliste de toute sa carrière. Pour le coup, il ne détestait plus le capitaine Sforza qui avait au moins le mérite de le distraire de son quotidien, même si c’était souvent malgré lui. Il se rendit compte qu’il était soulagé qu’il ne lui soit rien arrivé parce que, sans cet homme, ses journées risquaient de manquer un peu de piquant. Oh, certes, il avait une vie passionnante, mais depuis qu’il connaissait le capitaine italien, il lui arrivait des aventures insolites dignes d’être transcrites dans ses mémoires, quand viendrait le temps de les écrire.

Tandis qu’il songeait au bonheur d’avoir retrouvé le capitaine vivant, Gabriel se rendit compte que ses hommes étaient toujours au sol et que la situation n’avait pas avancée d’un pouce. Furieux, il se rendit auprès d’eux en leur demandant pourquoi ils étaient si lents :


- C’est que, monsieur le lieutenant, on n’arrive pas à ouvrir la porte, elle est bloquée !
- Jamais vu une porte pareille,
approuva un autre, remettant une couche au ridicule de la situation.

Gabriel prit un instant pour fermer les yeux, aussi affligé qu’atterré parce qu’il venait d’entendre. C’est alors qu’une petite voix sucrée se fit entendre malgré le vacarme des deux hommes qui continuaient à se battre sur le toit.

- Oh oui, c’est vrai que cette porte n’est pas facile, il faut connaître l’astuce.

Gabriel ouvrit les yeux et se retrouva face à une petite fille blonde, enveloppée dans une grande cape rouge.

- Il faut tirer la chevillette et la bobinette cherra, expliqua-t-elle. Regardez, rien de plus facile !


Et aussitôt la fillette, totalement indifférente aux évènements plus que rocambolesques qui avaient lieu autour d’elle, s’exécuta. Immédiatement la porte s’ouvrit.

- Qui es-tu, au juste ? demanda Gabriel qui tentait de remettre de l’ordre dans ses idées vu que son esprit rationnel était rudement malmené. Et surtout, que fais-tu ici ?
- Je m’appelle Charlotte et j’apporte des galettes et un petit pot de beurre à ma mère-grand qui est malade, répondit-elle en montrant le panier qu’elle portait sous sa cape !
- Dépêchez-vous d’aller porter secours au capitaine Sforza, hurla Gabriel voyant que ses hommes ne bougeaient pas, même si pour une fois, il ne leur en voulait pas. Et toi, rajouta-t-il à la petite, tu devrais revenir plus tard, il se passe des choses dangereuses pour une petite fille par-ici.

La fillette haussa les épaules et s’éloigna en chantant : « promenons-nous dans les bois, tant que le loup n’y est pas ». Le lieutenant de police fit tous les efforts du monde pour se concentrer à nouveau sur son affaire et repartit suivre ce qui se déroulait sur le toit mais il semble que le temps qu’il avait eu à se remettre de sa surprise lui avait fait rater la fin de la bagarre.

- Eh bien, dit-il en se tournant vers Bachir, j’espère que ton maître a une bonne explication !

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MessageSujet: Re: Quand les capitaines se noient en ville   Quand les capitaines se noient en ville Icon_minitime07.11.13 23:50

Peut être, pendant que les policiers sont à la recherche du capitaine Sforza, savoir ce qu'il se passait dans cette maison du centre de Paris où un hollandais acoquiné avec des chinois avait enlevé un italien devenu espagnol. Alessandro avait été assommé à un moment de sa course, après sa sortie du Coq d'Or et avoir perdu de vue son ami borgne. Il avait cru s'en tirer facilement en courant dans les rues de Paris, mais c'était sans compter une planche de bois qui s'abattit sur lui au détour d'une ruelle, l'assommant sur le coup et le faisant tomber dans la boue. Il s'était réveillé un peu plus tard, attaché sur une chaise comme un vulgaire prisonnier, la boue séchée sur le devant de son vêtement, entouré de Falck et de deux chinois en guise de surveillance. S'en était suivi d'une houleuse discussion à base de reproche, de menaces, le tout dans diverses langues : les deux marins se parlaient en espagnol, Falck pestait en neerlandais, Sandro en arabe, les chinois baragouinaient de l'espagnol puis mêlait cela à du chinois, cela ne ressemblait à rien ! Ou, justement, à un vrai casse-tête chinois ! Le but de cette opération était non seulement de maltraiter le Sforza, mais ensuite de tout simplement l'enlever et le ramener aux Philippines, soit de l'autre côté du monde, où l'attendait un mortel châtiment.

« Je ne vais pas retourner à Manille ! s'esclaffa Alessandro, amusé.
Et pourquoi cela ?
La régente ne m'y a pas autorisé. Tu sais, j'ai des ordres, des directives, je suis pris dans le tourbillon de l'administration espagnole, et dieu c'est qu'elle est complexe, car ...
Il suffit ! Oh mais que tu es agaçant ! » s'énerva Falck

On ne pouvait pas dire qu'Alessandro savait tenir sa langue, il se sentait obligé de faire de l'humour où qu'il soit. Il avait bien tenté des blagues au sein même de l'Inquisition à Lima, de là tout était possible. Laissé seul, les chinois gardant la porte, il était temps pour Alessandro de sortir. Les noeuds étaient bien réalisés mais on sentait que Falck était un marin, il faisait des noeuds typiques, mais s'ils apparaissaient complexes à un néophyte, Sandro les défit avec une relative facilité, les mains, puis les pieds et voulut entreprendre une sortie, avant de remarquer la saleté de ses vêtements. Non, quand on s'évade, c'était avec classe ! Avec toute la précaution du monde, il entreprit de fouiller dans les malles ouvertes, avant de tomber sur cet habit cosaque du plus bel effet, et se changea, puis il était prêt à sortir par la fenêtre. Seulement, rien ne se passait comme prévu et il ne vit pas la statue chinoise à ses pieds à qui il donna un coup et tomba sur le sol dans un bruit sourd. Aussitôt, les chinois entrèrent et bondirent sur l'italien pour l'attraper et le maîtriser. Désarmé mais toujours réaction, Sandro décida de se battre avec les moyens du bord. Au programme : lancer des vases chinois, et même un gros bouddha, ce dernier atterrit sur le pied d'un de ses assaillants qui hurla de douleur avant d'être assommé par la chaise, tandis que l'autre reçut un coup de pied dans le ventre, avant d'être poussé violemment en arrière et tomba à la renverse derrière une table basse. Des pas se firent entendre dans l'escalier, il était temps de filer ! Prenant au passage une épée du chinois assommé, Sandro ouvrit la fenêtre et se mit à grimper en direction du toit, suivi d'un Falck enragé de voir son ennemi s'échapper. Voici comment ils se retrouvèrent sur le toit à se battre !

« Tu vas mourir, Sforza !
Ah, la mort n'a que douceur pour une âme chrétienne ! Même si la mienne ne l'a jamais vraiment été. Crois tu que j'aurais mes vierges au Paradis ? Après tout, je suis encore un peu musulman, il papotait comme si de rien n'était.
Tais toi ! Juste, meurs ! »

Et pendant que les deux hommes croisaient le fer sur le toit, en bas de la maison, le lieutenant général de police et le jeune Bachir s'apprêtaient à lui porter secours.

« Eh bien, j’espère que ton maître a une bonne explication !
Il en a toujours. Allons y ! » pressa Bachir

Et les voici à s'élancer dans la maison, monter quatre à quatre les marches jusqu'au dernier étage, dans des combles où les deux chinois étaient toujours là, sur le sol, inconscients. Si escalader par la fenêtre avait été la solution de Sforza, les deux hommes préférèrent utiliser l'échelle menant au toit. De là, ils étaient en première ligne de la bataille entre les deux marins, qui ne les avaient pas vus.

« Que fait on à présent ? On intervient ? » demanda Bachir, peu motivé à intervenir dans une telle querelle.

Il espérait que la police ferait son boulot, lui n'ayant été qu'un informateur. Il s'était déjà battu en mer, contre des pirates, mais jamais il ne voulait intervenir dans les affaires de son capitaine, qui avait l'habitude de se faire de mauvais ennemis, de tomber dans bon nombre d'ennemis qui le retrouvaient où qu'il aille ! D'ailleurs les deux hommes continuaient à s'insulter entre deux coups d'épée, et tous les noms d'oiseaux y passaient, tout comme les menaces.

« Si je ne te tue pas, j'espère qu'ils viendront te récupérer et feront de toi leur chien, c'est tout ce que tu es, Datu !
Alors tues moi car je préfère mourir debout que de vivre à genoux ! Jamais un Sforza ne se laissera faire, ni par un hollandais véreux, ni par des chinois avides d'or ! Il se la jouait grand tragédien, pas italien pour rien ! »

Sans qu'il n'ait rien vu venir, un coup se fit entendre, sourd et sec, et Falck s'écroula, laissant place à la silhouette de La Reynie. Surpris, ne s'attendant pas à ce qu'on le secourt, ni quoi que ce soit, Sandro regarda son ennemi allongé sur le toit, avant de poser les yeux sur Gabriel et se mettre  à rire.

« Pourquoi vous êtes là ? Vous m’avez acheté un poney ?
Nous sommes venus vous sauver ! s'exclama Bachir, un peu plus loin.
Me … sauver ? Ce n'était pas nécessaire, j'étais en position de force, j'allais le repousser, puis sauter sur le toit suivant, et ainsi de suite jusqu'à la terre ferme ! Quel plan, il y croyait dur comme fer. J'étais prêt à rentrer avant qu'on ne me croit mort ! Vous ne croyiez pas mort, tout de même ? Regardez moi, frais comme un gardon ! »

Il écarta les bras, tout heureux, et surtout ridicule dans son costume cosaque, qui jurait totalement avec le décor parisien et le temps de mars de l'hémisphère nord. Mais il ne fallait jamais chercher bien loin quand on avait à faire au capitaine Sforza. On emmena Falck et tout le monde redescendit, chacun content de voir cette histoire se terminer. Mais Sandro n'avait pas fini de tenir la jambe au lieutenant général, qui devait avoir d'autres chats à fouetter.

« Vous vous déplacez en personne à présent ? Je suis content d'être l'un des rares à vous faire quitter votre bureau. Cela prouve que vous m'aimez bien … même si vous me laissez parfois croupir en prison toute une nuit alors que je suis un garçon innocent. Chacun sa conception de l'innocence mais il lui fit un large sourire. La preuve, vous avez vu que des corrompus en ont voulu à ma vie, et je n'ai pas failli ! Juste éviter Manille et ses environs pendant un petit temps … Mais je survivrais, personne ne m'attend là-bas … Il fronça les sourcils, hésitant, et regarda Bachir qui secoua la tête négativement, non il n'avait pas d'épouse à Manille, alors il se remit à sourire. [b]Bref, monsieur de La Reynie, je crois encore en la justice grâce à des gens comme nous, fidèles à nos principes, et à la secours des personnes pures et sans reproches … comme moi ! »[b]

Ah, la modestie, il ne fallait pas trop en demander à Alessandro ! Et encore, il était dans son état normal, enfin sans rien dans le sang. Mais depuis l'Afrique, il y avait sans doute des connexions dans son cerveau qui ne se faisaient pas toujours …
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MessageSujet: Re: Quand les capitaines se noient en ville   Quand les capitaines se noient en ville Icon_minitime13.02.14 17:46

Dire que Gabriel était contrarié d’être présent à cet instant serait mentir : en réalité, bien que tout chez cet homme le dépasse complètement, il devait reconnaître que le capitaine Sforza le sortait régulièrement de son quotidien. Il avait alors l’occasion d’observer des scènes hors du commun  et cela le distrayait beaucoup. Chaque situation dans laquelle se fourrait l’Italien était complètement inédite et Gabriel se disait que les aventures qu’il vivait grâce à lui feraient un chapitre amusant dans ses mémoires. Il verrait, une fois la vieillesse venue - bien qu’il soit forcé d’admettre qu’il n’était plus de première jeunesse – s’il voulait qu’on se souvienne de lui comme un homme sérieux ou comme celui qu’il était en réalité. Enfin bon, voilà qu’il se surprenait à nouveau à penser à la postérité au lieu de se concentrer sur le présent.

Pour l’heure, il poursuivait le jeune Bachir à l’intérieur de la maison, escorté par plusieurs de ses hommes, eux, plutôt enclins à retourner aux affaires habituelles : celle-ci les déstabilisait totalement. Tandis qu’il montait l’escalier, Gabriel avait beau se sentir l’âme d’un jeune homme, il devait reconnaître que ses genoux n’étaient plus aussi entrainés qu’autrefois et qu’il n’avait plus l’habitude de l’exercice. Petit à petit, il devenait dépendant de son petit confort et appréciait de régler une affaire en faisant appel à son esprit depuis le siège de son bureau. Le terrain n’avait plus autant d’attrait à ses yeux. Il laissa donc Bachir prendre de l’avance et fit passer ses hommes devant lui afin que personne ne le voit souffler comme un bœuf. Une fois arrivé en-haut, il était un peu plus excédé par le comportement du capitaine qu’il ne l’avait été de prime abord : sans celui-ci, il ne serait pas soufflant, rouge et hirsute. Il fit donc signe aux autres d’escalader l’échelle qui menait au toit afin que personne ne le regarde se tenir à la rampe pour reprendre son souffle avant de les suivre. Entretemps, une femme, probablement la logeuse, ouvrit l’une des portes de la maison.


- Ah ben ça alors, vous seriez pas le lieutenant de police, des fois ?
- Non, je suis le pape et j’attends ma sœur ! répondit tout d’abord Gabriel puis il se reprit : pardonnez-moi, chère madame, mais je suis sur une affaire particulièrement délicate. Mais ne vous inquiétez pas, tout sera bientôt retourné à la normale et vous pourrez vaquer à vos occupations. J’espère que nous ne vous causons pas trop de dérangement mais le crime n’attend malheureusement pas.

Il avait prit son air le plus séducteur et le plus maître de la situation pour déclamer tout cela aussi, malgré sa mise en désordre à cause de l’effort physique, la logeuse rougit légèrement et ferma la porte en articulant vaguement quelques excuses. Gabriel en profita pour terminer son ascension. Le lieutenant de police trouva facilement son équilibre sur le toit pentu et il se tourna directement vers le capitaine et son adversaire qui continuaient à se battre sans leur prêter la moindre attention.

- Mais…c’est qu’il ne s’est même pas rendu compte de notre présence, l’animal !
- Vous êtes d’une indulgence coupable avec cet homme, si vous me permettez mon lieutenant, marmonna l’un des sergents.
- Je ne vous permets pas mais que voulez-vous : on ne sait jamais quand on le voit vers quelle galère il s'trimballe. Il vous emmène et on y va. Il vous prend dans sa cavale. Mauvaise graine, c'est un rôdeur.

Il était tout de même monté sur le toit avec six hommes ainsi que Bachir, tous les entouraient et aucun des deux combattants ne s’en était aperçu. Gabriel poussa un soupir et préféra lâcher un petit rire. À quoi bon se fâcher ? Il aurait beau crier et passer ses nerfs sur le marin, celui-ci ne s’en formaliserait pas et, pire, ne comprendrait même pas comment il avait pu déclencher la colère du lieutenant de police.

- Que fait-on à présent ? On intervient ?  demanda le jeune Bachir.
- À quoi bon ? marmonna Gabriel.

Les deux marins continuaient à se battre, indifférents au tapage qu’ils étaient en train de provoquer, maniant tant et bien l’épée qu’aucun d’eux ne semblait proche de la victoire. Ils avaient l’air prêts à se quereller pendant encore des heures s’il le fallait. N’ayant pas la moindre intention d’y passer le reste de la journée, Gabriel se tourna vers ses hommes et leur fit signe d’intervenir. Pour toute réponse, ceux-ci le regardèrent, médusés. Il était évident qu’ils ne savaient pas comment s’interposer entre les deux hommes, en équilibre précaire sur un toit. Le lieutenant devait bien leur accorder que la manœuvre semblait complexe. Eh bien soit, assez de complexité, il décida donc de faire les choses simplement. D’un geste rapide, il tira le pistolet qu’il ne portait que pour l’apparat sur sa ceinture, visa la tête de l’adversaire de Sforza et tira. Le coup partit promptement et le marin s’effondra.

- Bonjour à vous, capitaine ! Comment se passe votre journée ?

Il rangea de façon presque détachée son pistolet, se tourna vers l’Italien et lui sourit. Celui-ci sembla prendre conscience qu’il était entouré.

- Pourquoi vous êtes là ? Vous m’avez acheté un poney ?
- Nous sommes venus vous sauver ! s'exclama Bachir, un peu plus loin.
- Me … sauver ? Ce n'était pas nécessaire, j'étais en position de force, j'allais le repousser, puis sauter sur le toit suivant, et ainsi de suite jusqu'à la terre ferme ! J'étais prêt à rentrer avant qu'on ne me croit mort ! Vous ne croyiez pas mort, tout de même ? Regardez-moi, frais comme un gardon !
- Oui, vous êtes très élégant, capitaine ! répondit Gabriel en examinant sa mise grotesque – mais de quelle partie du monde cet accoutrement pouvait bien venir ? – Mais j’espère néanmoins avoir une bonne explication pour tout ce tapage ! Vous vous rendez compte que vous avez mobiliser les services de police de la ville qui avait autre chose à faire, plus particulièrement leur lieutenant !
- Vous vous déplacez en personne à présent ? Je suis content d'être l'un des rares à vous faire quitter votre bureau. Cela prouve que vous m'aimez bien … même si vous me laissez parfois croupir en prison toute une nuit alors que je suis un garçon innocent.
- Innocent, innocent…vous avez de ces mots ! Vous avez tout de même eu affaire à une ancienne connaissance plutôt louche ce matin.
- La preuve, vous avez vu que des corrompus en ont voulu à ma vie, et je n'ai pas failli ! Juste éviter Manille et ses environs pendant un petit temps … Mais je survivrais, personne ne m'attend là-bas …Bref, monsieur de La Reynie, je crois encore en la justice grâce à des gens comme nous, fidèles à nos principes, et à la secours des personnes pures et sans reproches … comme moi !
- Certes ! Je ne vais pas me fatiguer à vous demander une explication complète, vous allez encore la romancer ! Mais accompagnez-moi néanmoins au Châtelet !

Il lui fit signe de suivre ses hommes. Tandis qu’il s’extrayait du toit, il sourit en pensant aux nombreuses fois où il était allé chercher l’Italien dans une des cellules du Châtelet où il avait croupit un moment. Ce qui amusait par-dessus tout Gabriel, c’était que non seulement il était victime des circonstances mais, qu’en plus, il n’avait pas vraiment conscience de ce qu’il lui était arrivé. Aussi se fourrait-il à nouveau dans un sombre guêpier à la première occasion. Gabriel avait rapidement renoncé à essayer de lui faire entendre raison, surtout qu’il avait régulièrement ingurgité des herbes étranges, inconnues dans cette partie du monde et qui le mettait dans des états étranges. Une fois que les deux hommes furent installés dans la voiture du lieutenant de police et que celle-ci se mit en marche, Gabriel entreprit de lui parler.

- Bon, cela ne sert à rien mais il est de mon devoir de vous tenir ce discours : oui, je vous aime bien ! J’irai même jusqu’à dire que vous m’amusez. Mais vous avez bien conscience qu’un jour viendra où je ne pourrais plus vous tirer d’affaire ? Car si vous êtes innocent dans les faits, vous êtes tout de même coupable du fait que vous vous mettez constamment en danger en fréquentant autant les mauvaises personnes que les mauvais endroits. Vous ne vous en sortirez jamais si vous ne choisissez pour palais que cette grotte obscure. L’on dira de vous :
La nuit qu'il entretient sur cet affreux séjour,
N'ouvrant son voile épais qu'aux rayons d'un faux jour,
De leur éclat douteux n'admet en ces lieux sombres
Que ce qu'en peut souffrir le commerce des ombres
N'avancez pas : son art au pied de ce rocher
A mis de quoi punir qui s'en ose approcher ;
Et cette large bouche est un mur invisible,
Où l'air en sa faveur devient inaccessible,
Et lui fait un rempart, dont les funestes bords
Sur un peu de poussière étalent mille morts.

Vous êtes quelqu’un d’aimable, aimeriez-vous réellement souffrir une telle réputation ?


Il soupira avant d’ajouter :

- C’était parfaitement inutile mais au moins pourrais-je me coucher ce soir avec la conscience du devoir accompli ! Maintenant, racontez-moi tout, votre soirée a l’air d’être merveilleusement romanesque et je tiens à tout savoir.

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