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 /Flash-back/ Ou comment Perrine et Gabrielle décidèrent de partir dans le sud-ouest (Perrine)

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MessageSujet: /Flash-back/ Ou comment Perrine et Gabrielle décidèrent de partir dans le sud-ouest (Perrine)   /Flash-back/ Ou comment Perrine et Gabrielle décidèrent de partir dans le sud-ouest (Perrine) Icon_minitime10.09.11 12:35

C'était une de ces soirées où la cour se couchait tôt. Aucune soirée d'appartement n'avait été organisée et la plupart des dames que fréquentait régulièrement Gabrielle aux côtés d'Athénaïs de Montespan avait préféré se retirer pour profiter de la longue nuit de sommeil qui s'annonçait. C'était rare car les courtisans avaient l'habitude d'aller au lit tard après avoir participé aux fêtes de Versailles et de se lever au petit matin pour prendre leur service auprès des souverains, quitte à parfois faire des sommes durant l'après-midi. Mais cela ne satisfaisait guère ni la marquise de Montespan ni la duchesse de Longueville. Après quelques parties de cartes, à cours de ragots et de rumeurs, elles préférèrent toutefois se séparer. Athénaïs avait marmonné une bonne partie de la soirée sur le compte d'Amy of Leeds et semblait persuadée que cette dernière n'était pas dans son état normal. « Trois chocolats, vous rendez-vous compte, Gabrielle, elle a bu trois chocolats ! ». Gabrielle ignorait si la noble dame était ravie de cette information qui annonçait sans doute que la favorite allait perdre sa taille si fine si elle continuait à s'empiffrer ainsi ou si elle était agacée que les courtisans préférassent s'informer sur le nombre de chocolats que buvait Amy plutôt qu'elle-même. La duchesse n'avait pas osé faire remarquer que cette conversation était bien stérile. A dire vrai, Athénaïs, depuis ces derniers jours, semblait à cours d'idées pour nuire à Mlle de Leeds ce qui se voyait sur son moral. Ce fut la mine sombre qu'elle donna congé à Gabrielle avant de donner des instructions pour préparer son coucher.

En revenant à pas lents jusqu'à ses appartements, Gabrielle songea avec une certaine morosité que le grand projet de son cher ami Hector de Valois n'avançait guère plus. Elle avait bien cherché des charges à faire peser sur les épaules d'Amy et s'était même attaquée à ses origines un peu mystérieuses. Mais elle avait buté contre un nœud. La favorite n'était entourée que par des personnes de confiance et gardait un secret autour d'elle quelque peu paranoïaque. Si elle se fiait à ses informations, Gabrielle n'avait aucun élément qui lui permettrait de détacher le roi de la femme qu'il aimait en lui brisant le cœur par la même occasion. Certes, on pouvait toujours jouer sur l'idée que la favorite n'était pas française et qu'elle privilégiait les intérêts anglais, bien qu'on en eut jamais la preuve, mais cela ne troublait guère le peuple et la noblesse qui avaient une haine pour les Habsbourgs et avaient plus tendance à se méfier de l'Espagne et de l'Autriche que de la lointaine Angleterre. Gabrielle attendait le moindre faux pas de la favorite pour bondir sur l'occasion mais Amy restait sur ses gardes, bien consciente qu'une défaillance, même minime, serait relevée à la cour. C'était cette inaction qui déprimait Gabrielle de Longueville. Elle avait l'impression que tout ce qu'elle faisait n'aidait en rien son ami Hector. Des promesses à un ambassadeur pour le faire rejoindre leur camp, des tentatives d'approche du comte Guillaume du Perche qui l'amusait à défaut de donner des résultats, une expédition dans un Paris sordide avec cette idiote de duchesse de Chevreuse... Tout cela n'avait servi à rien. Et loin de Paris et de ses salons, la vie semblait terriblement monotone. Il lui fallait de quoi son esprit brillant pourrait se repaître. Ce n'était pas une Athénaïs de Montespan furieuse et amère qui le lui fournirait.

Alors qu'elle pénétrait dans ce qu'on nommait pompeusement ses « appartements » constitués en réalité de deux pièces qu'elle jugeait minuscules, elle arriva à la conclusion qu'elle n'avait besoin que d'une personne qui serait capable de lui remonter le moral avec des informations croustillantes : Perrine Harcourt. Sa domestique et femme de chambre était bien plus que cela à son cœur. C'était sa meilleure amie, sa confidente. Elles se comprenaient parfaitement. De plus, Perrine avait souvent le culot de mettre son nez partout et se trouvait au courant de tout ce qui pouvait bien se passer dans le château ou à Paris. Cela fascinait Gabrielle qui vivait dans un monde où l'hypocrisie régnait en maître. Cela semblait moins le cas chez les serviteurs de toutes ces dames poudrées qui ne prêtaient pas attention à ceux qu'elles considéraient comme faisant partie des meubles ou entièrement dévoués au mieux. Grossière erreur ! Perrine avait appris à son amie que les domestiques connaissaient tout de la vie souvent scandaleuse de ces courtisans et qu'il suffisait d'être un peu persuasif pour les convaincre de tout dévoiler. Gabrielle conclut après toutes ces réflexions qu'elle avait bien de la chance d'avoir Perrine et qu'elle ne séparerait d'elle pour rien au monde.

Mais Perrine était absente, « sortie » comme le lui dit une gamine d'un douzaine d'années qui était chargée d'allumer les bougies. Cette absence imprévue et tardive ne signifiait qu'une seule chose pour Gabrielle : son amie était sur la piste d'informations croustillantes. Du moins, elle l'espérait. En attendant, elle ôta sa robe lourde et pleine de froufrous pour adopter un déshabillé en tissu fin et la petite servante enleva une à une les épingles de ses cheveux. Au fur et à mesure, ses boucles brunes tombaient sur le haut de son dos. Enfin, la gamine les coiffa puis l'escorta jusqu'à son lit.

- Dois-je vous laisser les bougies allumées ? Demanda-t-elle d'une petite voix.
- Oui, demande à ce qu'on me laisse en paix. Mais dès que Perrine est de retour, fais-la entrer sans délai.

La petite acquiesça avant de se retirer et Gabrielle posa son dos contre les nombreux coussins. Que pouvait bien faire Perrine ? Avait-elle eu des informations concernant ces affreux Mancini ou mieux encore son frère Paris ? Elle plongea petit à petit dans une sorte de torpeur mais se réveilla en sursaut lorsque la porte de sa chambre s'entrouvrit. Elle s'était assoupie plus longtemps qu'elle ne l'avait cru au premier abord, car les bougies étaient déjà bien consommées par les petites flammes tremblotantes. Gabrielle reconnut immédiatement la silhouette de Perrine qui fermait la porte. L'excitation la saisit et parfaitement réveillée, elle se redressa et commanda :

- Viens auprès de moi Perrine !

Négligeant le fauteuil qui se trouvait près de lit, elle tapota son lit pour lui demander de s'y asseoir. Elle-même s'assit en tailleur et se laissa submerger par une sorte de nostalgie. Cela lui rappelait leur enfance, quand, en Normandie, elles se livraient des secrets jusqu'au bout de la nuit. Perrine s'approcha à petits pas et croisa le regard de sa maîtresse. Ses yeux pétillants et son sourire ne trompaient pas... Perrine avait réussi à obtenir des ragots intéressants !
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MessageSujet: Re: /Flash-back/ Ou comment Perrine et Gabrielle décidèrent de partir dans le sud-ouest (Perrine)   /Flash-back/ Ou comment Perrine et Gabrielle décidèrent de partir dans le sud-ouest (Perrine) Icon_minitime13.09.11 22:15

La moue qui tordit doucement les lèvres de Perrine avait tout du sourire angélique… excepté la raison pour laquelle, justement, la jeune femme souriait. Chassant délicatement les mains de son amant qui erraient encore sur ses hanches, elle se dégagea des draps dans lesquels elle s’était abandonnée pour de délicieuses heures dans les bras de Guillaume. Et au moment même où elle tourna le dos au comte du Perche, en quête de ses vêtements, tout ce qu’il y avait de séraphique sur ses traits s’évanouit. Oh, elle souriait toujours, bien sûr. Mais le masque – qui n’en était plus un – dont s’était soudain revêtu son visage devait sans doute bien plus à Lucifer qu’à quelques anges dont elle n’empruntait jamais les traits que pour tromper son monde. Un monde qui, décidément, tombait bien aisément dans ses filets. Non sans un certain flegme, elle se pencha pour ramasser sa robe, et lorsqu’elle se fut redressée, toute trace de malice et de calcul avait déjà déserté son expression. Mutine, tout au plus, elle adressa une nouvelle œillade à son amant, et s’habilla rapidement. Si elle ne pouvait nier apprécier la… compagnie du comte, elle n’en brûlait pas moins de le quitter, et d’aller tout droit annoncer à Gabrielle ce, qu’à ses dépend, lui avait appris le jeune homme. Plus que sa maîtresse, la Duchesse de Longueville était pour Perrine non seulement une amie, une confidente chère à son cœur, mais également une indéfectible compagne d’intrigues. Et peu importait qu’il s’agisse d’une Duchesse et d’une camériste ; les longues années d’enfance passées en Normandie semblaient parfois presque avoir effacé l’immense fossé qui les séparaient. Mais il y avait plus que quelques intrigues de couloir à lier les deux esprits machiavéliques qui s’étaient trouvés à travers elles. Et les informations que Perrine avait obtenues ce soir se révélaient être d’une toute autre importance de vagues ragots concernant tel ou tel marquis. Ce soir, le vaste projet dans lequel la jeune femme suivait presque aveuglément sa maîtresse allait enfin pouvoir avancer.

Il était tard lorsque Perrine se glissa discrètement hors des appartements de Guillaume. Tous, à la Cour, semblaient s’être donné le mot pour la nuit, et rares étaient les fois où elle avait pu voir Versailles aussi calme que ce soir. Le silence bavard qui s’abattait chaque nuit sur la demeure royale s’était fait plus lourd qu’à l’accoutumée, mais la furtive camériste ne s’en soucia guère. Peu lui importaient que le Roi n’ait pas daigné donner de fête ce soir, que les veillées se soient écourtées et que les fontaines se soient tues. Ce que lui avait glissé du Perche alors qu’elle posait l’innocente question du jour où ils pourraient se revoir, valait tous les divertissements royaux imaginables. En témoignait son regard un peu plus brillant qu’à l’accoutumé et la moue énigmatique dont, une fois seule, elle ne chercha plus à se départir. Le plus ironique – mais certainement aussi le plus plaisant – était sans doute qu’elle n’avait pas eu pour but premier de soutirer des informations à Guillaume, ce soir. Ou du moins, pas ce genre d’informations. Elle savait Gabrielle chargée de surveiller le volage comte, sans obtenir les résultats escomptés et n’avait, au début, fait qu’essayer de lui rendre la tâche plus aisée… tout en ayant derrière la tête l’idée bien arrêtée de se venger de Paris et de sa nouvelle conquête aussi angélique – elle – qu’idiote. Certes, il se pouvait grandement que le Prince n’ait cure des hommes avec lesquels elle pouvait bien passer ses nuits mais, amère, elle n’avait cherché à y songer lorsque la première fois elle s’était glissée dans les draps de du Perche. Et après tout, elle y gagnait un amant agréable… et prodigue d’informations.

Rapidement, donc, elle sortit du Trianon, aussitôt enveloppée par la fraîche atmosphère de cette calme nuit. Il n’y avait définitivement pas âme qui vive ce soir, y compris dans les immenses jardins qui la séparaient encore du château. Mais peu soucieuse de croiser qui que ce soit, elle s’enfonça rapidement dans les somptueux bosquets, empruntant les allées les plus directes et les plus rapides. Personne ne s’étonnerait de la voir traîner ici – il n’était pas rares que les domestiques, une fois leurs maîtres couchés, s’adonnent à leurs propres petites occupations. Combien de fois avait-elle entendu chuchoter sur son passage quelques idées farfelues sur sa destination quand, dans sa manche ou son corsage, était glissé un message qui aurait sans doute glacé d’effroi toutes ces cuisinières jouant les commères ? Perrine était loin, très loin d’être un ange. Et néanmoins, sa plus grand fierté résidait sans doute le fait que la plupart des gens de son entourages lui auraient tous et immédiatement donné le bon Dieu sans confession. A cette idée, un sourire narquois vint tordre ses lèvres. Si elle ne l’avait pas si bien servie, la naïveté de certains l’aurait presque désespérée. Les rares personnes à en chercher plus – trop ? – sur son compte ne faisaient pas même partie de ces corruptibles domestiques qu’elle côtoyait le plus souvent et auxquels il était si simple d’arracher quelques confidences sur la vie dissolues de ceux qu’ils servaient. A confondre les gens de leur maison avec leur coiffeuse, Perrine connaissait deux ou trois comtesses qui s’exposaient à quelques… surprises. Définitivement, ces serviteurs-là n’était ni plus ni moins aux yeux de la jeune femme que de véritables mines d’informations – presque aussi sûres que les confidences glissées entre un drap et un oreiller.

Passant rapidement les bassins du Nord et du Midi, l’ombre furtive de la camériste grimpa les deux dernières volées de marche puis se dirigea tout droit vers les entrées de service. Là encore, elle ne croisa personne, si ce n’est un couple qui, au bruit de ses pas, disparut comme une volée de tourtereaux. Perrine eut un sourire amusé, puis pénétra dans le château, se repérant aisément dans ce dédale de couloirs et de recoins qu’étaient les quartiers des domestiques. Comme chaque nuit, l’immense bâtisse bruissait discrètement et semblait se taire sur ses pas, avant de reprendre, un peu plus loin. En tendant l’oreille, il n’était pas impossible, la plupart du temps, de surprendre quelques indiscrets secrets, annonceurs des rumeurs qui feraient le tour de la Cour le lendemain. Mais ce soir, elle se moquait de ces murmures pourtant si fascinant. Sans s’arrêter ni faire de détours et après une dernière volée de marches, la jeune camériste trouva enfin la porte des appartements de la Duchesse de Longueville. Les prunelles toujours brillantes de ses dernières découvertes et un sourire qui ne tromperait pas Gabrielle aux lèvres, elle frappa trois coups discrets. Immédiatement, la petite servant qui l’avait regardé partir avec une certaine suspicion ouvrit et lui annonça que Mademoiselle la Duchesse l’attendait. Perrine la remercia et sans plus attendre, se dirigea vers la chambre silencieuse qui composait la seconde pièce des appartements. Gabrielle semblait s’être assoupie, mais à l’instant même où Perrine referma la porte, elle redressa la tête. Les deux jeunes femmes se connaissaient sur le bout des doigts et le regard de sa camériste ne pouvait laisser aucun doute à la Duchesse.
« Viens auprès de moi Perrine ! exigea-t-elle en se redressant. »

Perrine eut une moue mystérieuse et sans attendre plus longtemps, alla flegmatiquement s’installer à la place que venait de lui désigner sa maîtresse, sur son lit. Il n’y avait pas si longtemps, c’était dans un château de Normandie que deux fillettes s’échangeaient ainsi quelques secrets enfantins. Ce soir, les intrigantes qu’elles avaient su devenir parleraient complot, ajoutant l’un de ces murmures inaudibles aux frémissements de cette trop calme nuit Versaillaise. S’installant également en tailleur sans prendre le temps de se débarrasser de sa mante, Perrine adressa le même sourire que celui qui lui avait échappé dans la chambre de du Perche à son amie et maîtresse.
« Comment se porte la marquise ? demanda-t-elle non sans une pointe d’amusement dans la voix, évoquant la soirée que Gabrielle devait avoir passé auprès de la Montespan. »
Il aurait été difficile de ne pas sentir la fébrilité soudaine de la Duchesse, mais au regard de la nouvelle qu’elle apportait, la jeune intrigante voulait ménager son effet. Défaisant le nœud qui maintenant sa légère cape au dessus de ses épaules, elle releva enfin les yeux vers Gabrielle, incapable de tenir sa langue plus longtemps.
« Savais-tu que la Cour attendait un heureux évènement ? se lança-t-elle, saisie de la même excitation de son amie. C’est certainement un des secrets les mieux gardés… mais il se trouve que notre chère favorite est enceinte ! »
Même à mi-voix, l’on pouvait aisément sentir dans ses mots le même ravissement que celui qui l’avait envahie lorsque Guillaume, à demi-mot, avait laissé échapper la confidence. Un ravissement qu’elles ne seraient que deux à partager… et pour cause. L’évènement pouvait être qualifié d’heureux, certes. Mais tout le monde n’en tirerait pas la même sorte de joie.
« Et mieux encore ! continua Perrine, un brin mesquine. Il est prévu qu’elle aille bientôt en Guyenne, se terrer pour le reste de sa grossesse… cachée de tous. »
Le mot était lâché.
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MessageSujet: Re: /Flash-back/ Ou comment Perrine et Gabrielle décidèrent de partir dans le sud-ouest (Perrine)   /Flash-back/ Ou comment Perrine et Gabrielle décidèrent de partir dans le sud-ouest (Perrine) Icon_minitime22.12.11 21:52

Spoiler:

C'était dans ce genre de situation que Gabrielle se rendait compte que Perrine et elle étaient parfaitement complémentaires. Elles se comprenaient sans avoir d'un mot et un regard, un sourire en coin ou une moue amusée leur suffisait. Aussi quand la duchesse vit entrer son amie dans sa chambre avec des yeux pétillants et un air triomphant, elle sut en un instant que la soirée était loin d'être terminée. Quand Gabrielle ne parvenait pas à rompre les masques hypocrites que se façonnaient les courtisans, quand elle se heurtait aux non-dits et aux paroles creuses, elle savait qu'elle pouvait compter sur Perrine. Qu'ils étaient stupides ces nobles aux mines bien poudrées à croire que l'on pouvait garder un secret dans une maison emplie de serviteurs ! Les laquais n'avaient peut-être rien à faire des histoires de leurs maîtres mais ils voyaient et ils entendaient tout. C'était pour cela que Perrine était indispensable aux petits complots de la demoiselle de Longueville. Elle faisait parler toute cette piétaille méprisable mais bien informée. Combien de fois avait-elle appris des histoires de coucheries ou de cœur car Perrine avait su écouter les lingères qui faisaient passer les billets ? Combien de fois avait-elle réussi à contrecarrer les plans de son frère car Perrine était allée offrir un verre au valet qui avait ouvert la porte à l'innocente créature qu'avait charmé Paris ? Et ainsi, alors que le château s'endormait petit à petit, que les bougies s'éteignaient les unes après les autres, que le parc n'était plus éclairé que par la clarté de la lune et par les lueurs tremblotantes des gardes royaux, Perrine et Gabrielle étaient plus éveillées que jamais, prêtes à échanger leurs dernières informations et à élaborer de nouveaux stratagèmes pour arriver à leurs fins, en un mot, à comploter. La duchesse de Longueville eut une pensée pour toutes leurs victimes ou leurs futures victimes qui se laissaient aller au sommeil paisiblement sans savoir qu'à quelques mètres d'elles on était en train de parler de leur perte. En un éclair, elle vit la favorite se glisser dans ses draps de soie, rassurée de toutes les précautions qu'elle prenait, ignorant qu'à cet instant même, Perrine s'apprêtait à lâcher des mots qui allaient transformer à jamais sa destinée.

Gabrielle de Longueville s'était donc redressée sur son séant et assise en tailleur, attendait l'arrivée de Perrine devant elle. Cette dernière semblait prendre un certain plaisir à faire durer le suspens et ménageait ses effets. Son amie reconnaissait bien là la petite fille avec laquelle elle avait partagé une grande partie de son enfance. Déjà à l'époque, Perrine aimait à se retrouver au centre de l'attention, devant ses deux camarades de jeu, Gabrielle bien sûr et le petit Paris qui se joignait généralement à elles. Contrairement aux jeunes Longueville, elle n'avait que peu d'instruction mais elle compensait ses faiblesses par son imagination débordante qui fascinait les enfants des maîtres. Ce soir-là, plus de dix ans plus tard, Gabrielle eut une forte impression de déjà-vu comme si la situation venait de la ramener aux temps bénis de son enfance. Ce ne dura qu'une demi-seconde mais elle dut secouer la tête pour se rendre compte que les chandelles qui brûlaient n'avaient pas été allumées par sa bonne vieille nourrice, Catherine, morte depuis bien longtemps, que les pas derrière la porte de sa chambre étaient ceux de sa petite servante partie se coucher et non ceux de Père venu lui donner un dernier baiser, que le paysage qui s'étendait derrière les lourds rideaux rouges n'étaient pas les plaines de Normandie mais les jardins de Le Nôtre à Versailles. Et que les confidences que Perrine se plaisait à garder sur ses lèvres dans le but de gentiment taquiner son amie et de paraître si importante n'étaient pas de simples histoires d'enfants sans conséquences mais des secrets qui pourraient sûrement détruire des vies. Perrine n'avait même pas encore enlevé son manteau lorsqu'elle s'assit en face de Gabrielle et baissa les yeux sans se départir de son expression amusée et moqueuse :

- Comment se porte la marquise ?

Gabrielle leva les yeux au ciel tout en soupirant devant l'effronterie de Perrine. Comment osait-elle donc partir sur un tel sujet alors qu'elle avait visiblement tant à raconter ! Elle fronça son petit nez au grand amusement de Perrine, visiblement pour lui répondre :

- La marquise était d'un tel ennui que j'en suis venue à me demander si elle ne passait pas trop de temps en compagnie de ce perroquet venu des Amériques qu'on lui a donné en cadeau : comme lui, elle ne sait que répéter les mêmes mots, en l'occurrence, « Amy de Leeds », « Amy de Leeds », comme si cela allait changer quelque chose à sa situation.

Le ton était grinçant voire méchant alors qu'au fond, Gabrielle appréciait plutôt la marquise de Montespan pour son esprit et sa langue de vipère. Si elle n'était pas tant obsédée par l'idée de se rapprocher du roi, elle aurait été une recrue de choix au sein de l'organisation d'Hector. Mais elle tenait à trop à entrer dans le lit de Louis pour vouloir causer sa perte. Elle repartit plus légèrement :

- Mais en tout cas, je ne suis pas la seule à me poser des questions à propos de cette idiote de princesse de Calenberg, Maryse d'Armentières. Athénaïs m'a chargé d'apprendre des informations sur elle, elle semble, je cite, « d'une telle innocence qu'elle en devient coupable » et comme je suis son amie en apparence, la charge m'est revenue. Mais nous n'avions pas besoin des instructions d'une marquise aigrie pour enquêter sur elle, n'est-ce pas ?

Gabrielle s'interrompit en sentant l'impatience de Perrine, prise à son propre piège car après tout, elle n'avait que faire des états d'âme de madame de Montespan, grandir. Celle-ci, après avoir ôté son manteau pendant la diatribe de sa maîtresse, leva les yeux et fixa la duchesse. Son excitation transparaissait enfin complètement et le cœur de Gabrielle se mit à battre un peu plus vite. Quelle était donc cette nouvelle qui était capable de faire perdre son flegme à Perrine ?

- Savais-tu que la Cour attendait un heureux événement ? se lança Perrine. C’est certainement un des secrets les mieux gardés… mais il se trouve que notre chère favorite est enceinte !

La réaction de Gabrielle qui laissa échapper un « oh » de stupéfaction fut à la hauteur de la nouvelle. A vrai dire, ce n'était pas une totale surprise, il fallait bien que Amy tombasse enceinte un jour ou l'autre mais la duchesse ne s'y attendait certes pas. Un sourire éclatant naquit sur ses lèvres et elle détourna son regard de son amie pour se glisser hors du lit. Les pieds nus, en chemise de nuit fine, les cheveux dénoués qui bouclaient légèrement dans son dos, elle se mit à faire les cent pas, l'esprit déjà en train d'essayer d'imaginer comment cette information pourrait être exploitée au mieux. La cour n'était pas au courant, madame de Leeds cherchait sans doute à se protéger ainsi. La duchesse songea un instant à la joie hypocrite qu'auraient pu montrer toutes ces dames de la cour si elles savaient. Pour elles, cela aurait juste été un nouveau moyen de faire leur cour à la favorite. La Montespan, elle, aurait été ravie de savoir que sa rivale allait être grosse pendant de longs mois. Au moins, Gabrielle se réjouissait sincèrement de la grossesse d'Amy. C'était une nouvelle formidable qui pourrait enfin faire bouger les choses et servir le complot. Elle pensa à prévenir immédiatement Hector mais renonça. Il avait déjà assez de soucis et ne verrait peut-être pas le potentiel de l'information. Non, elle se débrouillerait seule et apporterait ses résultats à Hector quand elle aurait trouvé comment l'exploiter. Enfin seule... Elle se tourna à nouveau vers Perrine qui avait repris la parole pour lui annoncer que la favorite allait s'éloigner quelques temps de Versailles pour se terrer loin de tout en Guyenne.

- C'est parfait... La favorite est sans doute la personne à laquelle le roi tient le plus alors si elle porte un prince de sang royal en son sein... Et malgré toutes les précautions que l'on pourra prendre, elle sera toujours plus vulnérable en Guyenne que protégée par les regards de la cour... C'est parfait et cela tombe au moment le plus opportun...

Gabrielle répétait ces derniers mots comme si elle n'osait y croire. Amy de Leeds que l'on n'avait jamais réussi à approcher, cette Amy de Leeds qui se barricadait avec ses fidèles venait de faire un faux-pas qui risquait de lui coûter très cher si Perrine et Gabrielle manœuvraient bien.

- Je suis sûre que le roi acceptera tout ce qui vient d'elle..., réfléchissait-elle à voix basse mais assez fort pour que Perrine l'entende et puisse participer à sa réflexion avant de fixer de nouveau son amie pour lui demander : Sais-tu quelles mesures de sécurité vont être mises en place ? Par qui sera-t-elle entourée ? Quand a-t-elle décidé de partir ?

Elle se rassit sur le bord du lit, toujours aussi ravie et prit les mains de Perrine comme elles le faisaient étant enfants lorsqu'elles voulaient faire une ronde ou courir dans les jardins de Pont-de-l'Arche. Le sourire rayonnant qu'elle lui adressa était absolument sincère et en voyant l'expression de Perrine, elle fit ce qu'elle ne faisait jamais en temps normal, en pensant que l'information avait dû être difficile à obtenir et qu'il était donc juste que son amie puisse se vanter des obstacles qu'elle avait du surmonter. D'un ton où se mêlaient reconnaissance et admiration, elle demanda alors :

- Mais dis-moi, ma chère Perrine, comment es-tu parvenue à tes fins ? Qui as-tu réussi à faire parler ?
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MessageSujet: Re: /Flash-back/ Ou comment Perrine et Gabrielle décidèrent de partir dans le sud-ouest (Perrine)   /Flash-back/ Ou comment Perrine et Gabrielle décidèrent de partir dans le sud-ouest (Perrine) Icon_minitime21.01.12 0:26

Il ne faut pas se réjouir du malheur des autres, disait le proverbe. Certes. Mais Perrine n’avait jamais prêté la moindre attention aux proverbes, et moins encore à celui-ci. Qu’était-ce qu’intriguer, activité à laquelle elle occupait la majeure partie de son temps, si ça n’était se réjouir des malheurs plus ou moins difficiles qu’elle allait infliger aux autres ? C’était là un jeu auquel elle trouvait beaucoup de plaisir, et se montrer âme charitable n’avait à ses yeux qu’un fade intérêt. N’était-ce pas justement les bonnes âmes qui avaient le plus à perdre dans l’univers implacable qu’était la Cour du Roi Soleil ? Ces blanches colombes n’avaient pas ici le moindre avenir – du moins n’était-il pas enviable – à moins de se mettre au pas, et de chercher aux autres les ennuis qu’ils souhaitent leur trouver avant qu’ils n’en aient la possibilité. Aussi cynique cette vision de la Cour soit-elle, c’était celle qui plaisait le plus à la jeune camériste qui ne pouvait y briller que l’ombre, par ses petites et moins innocentes intrigues. Puisque l’univers des Grands lui étaient apparemment interdit, elle ne voyait aucune raison de ne pas faire du siens une arme efficace pour empoisonner ceux qui ne la voyaient que comme une vulgaire domestique. Et tant pis si cette amertume la conduisait à ne se réjouir de la grossesse de la favorite que pour la seule et unique raison que cette nouvelle s’avérait être une arme de choix contre l’intouchable Amy de Leeds.

Perrine le savait, il en serait de même de la duchesse de Longueville lorsqu’elle lui annoncerait ce qu’elle avait découvert. Ce cher Guillaume n’avait pas la moindre idée de l’oreille démone dans laquelle étaient tombées ses innocentes paroles. Bien plus qu’il n’en aurait l’impression, il risquait, avec ces quelques mots, de se rendre responsable d’évènements que même les deux comploteuses ne sauraient encore imaginer. C’était bien là ce qu’il allait leur falloir résoudre ce soir, si Perrine parvenait seulement à interrompre la diatribe de sa maîtresse quant aux états d’âme de la marquise. Marquise dont, au font, elle se moquait éperdument, n’ayant lancé la conversation que dans le but d’exacerber un peu plus encore l’impatience de Gabrielle qui ne pouvait que lire dans les yeux de sa camériste l’excitation dont elle ne parvenait à se défaire.
« La marquise était d'un tel ennui que j'en suis venue à me demander si elle ne passait pas trop de temps en compagnie de ce perroquet venu des Amériques qu'on lui a donné en cadeau : comme lui, elle ne sait que répéter les mêmes mots, en l'occurrence, « Amy de Leeds », « Amy de Leeds », comme si cela allait changer quelque chose à sa situation, répondait néanmoins la duchesse, tirant une moue fataliste à la domestique. Mais alors que celle-ci desserrait les lèvres pour annoncer ce qu’elle ne parvenait plus à tenir, Gabrielle reprit. Mais en tout cas, je ne suis pas la seule à me poser des questions à propos de cette idiote de princesse de Calenberg, Maryse d'Armentières. Athénaïs m'a chargé d'apprendre des informations sur elle, elle semble, je cite, « d'une telle innocence qu'elle en devient coupable » et comme je suis son amie en apparence, la charge m'est revenue. Mais nous n'avions pas besoin des instructions d'une marquise aigrie pour enquêter sur elle, n'est-ce pas ? »

Perrine, un sourire énigmatique aux lèvres, secoua négativement la tête, mais ne répondit pas, de peur de s’éloigner encore du sujet qui l’intéressait. Cette Maryse d’Armentières avait beau être l’un de ces petits jeu qui l’amusaient beaucoup, ce qu’elles pourraient bien apprendre sur la princesse n’avait aucune commune mesure avec ce qu’elle était encore seule à savoir sur la favorite. Sentant sûrement l’impatience de sa camériste, Gabrielle s’interrompit, laissant enfin à celle-ci le loisir de lui annoncer la nouvelle. Elles étaient maintenant deux à se réjouir de l’heureux évènement qu’était la naissance encore lointaine de l’enfant du roi et de sa favorite. Un sourire qui en disait long aux lèvres, Perrine observa sa complice dans le crime se lever, et faire les cent pas à côté du lit sur lequel elle resta installée. Elle connaissait par cœur Gabrielle, savait très exactement ce à quoi pouvaient ressembler ses pensées en cet instant, et en tirait la joie du criminel s’apprêtant à accomplir son méfait.

« C'est parfait... songeait à voix haute la duchesse après s’être retournée vers Perrine. La favorite est sans doute la personne à laquelle le roi tient le plus alors si elle porte un prince de sang royal en son sein... Et malgré toutes les précautions que l'on pourra prendre, elle sera toujours plus vulnérable en Guyenne que protégée par les regards de la cour... C'est parfait et cela tombe au moment le plus opportun... »
En silence, la jeune femme hocha la tête. Pour atteindre le roi, il n’était guère de meilleure arme que la favorite – personne au sein de ce vaste complot n’en avait jamais douté. Ne manquait jusque là plus que le moyen d’utiliser cette arme, et Perrine ne pouvait dissimuler une certaine fierté à l’idée d’être celle qui l’avait découverte. Certes, sans intention, et sens réelle difficulté. Mais le résultat était là, c’était tout ce qui comptait.
« Je suis sûre que le roi acceptera tout ce qui vient d'elle…
- Surtout s’il s’avère qu’elle ou son enfant pourraient être en danger… commenta la vicieuse, un drôle de sourire aux lèvres.
- Sais-tu quelles mesures de sécurité vont être mises en place ? Par qui sera-t-elle entourée ? Quand a-t-elle décidé de partir ?
- Tout ce que je sais, c’est que son départ est pour bientôt, répondit Perrine, songeuse. Mais comme il ne pèse aucune menace sérieuse sur elle… je doute qu’elle soit trop entourée. Quelques espions, quelques soldats peut-être, tout au plus… »

Pensive, elle s’interrompit. Quel rôle du Perche pouvait-il bien jouer dans cette équipée ? Tout ce qu’il lui avait dit, c’était qu’il accompagnerait la duchesse pour tenir sa Majesté au courant des évolutions de sa grossesse. Un messager ? C’était probable. Pourtant, elle savait Gabrielle chargée de l’avoir à l’œil, et le fait que sa maîtresse puisse avoir des soupçons sur le jeune comte laissait à penser qu’il pouvait être bien plus qu’un simple messager. Voilà qu’elle se ferait un plaisir – sans mauvais jeu de mot – de découvrir. Après tout, il ne lui avait pas dit partir immédiatement. Tous deux avaient le temps de se revoir, ne serait-ce que pour une nuit…
Sortie de ses pensées par la silhouette de Gabrielle, assise sur le bord du lit, Perrine adressa à celle-ci un sourire tout ce qu’il y avait de plus dangereusement rayonnant. Dieu qu’elle aimait comploter ! Les mains dans celles de la duchesse, elle s’apprêtait à exprimer ses doutes à voix haute, quand celle-ci reprit la parole, lui coupant l’herbe sous le pied.
« Mais dis-moi, ma chère Perrine, comment es-tu parvenue à tes fins ? Qui as-tu réussi à faire parler ? »
A ces mots, l’intéressée prit quelques secondes pour répondre. Gabrielle avait pour habitude de ne jamais poser de questions sur la façon dont sa camériste parvenait à obtenir toutes les informations qu’elle lui soufflait, mais Perrine ne s’en formalisa pas. Après tout, même s’il n’y avait parfois rien de particulièrement glorieux à ses petites méthodes, on ne pouvait lui reprocher de se faire plaisir. Ce qui la poussa à hésiter seulement, ce fut la façon dont elle pourrait se justifier d’avoir pris du Perche pour amant. Elle savait que son amie se doutait de quelque chose, mais sa petite fierté lui interdisait d’avouer que ses premières intentions avaient été vis-à-vis de Paris.

« C’est du Perche qui m’en a parlé, répondit-elle, ignorant tout de ce que ces mots et ceux qu’elle allait prononcer ensuite pouvaient signifier pour Gabrielle. Il y a quelques temps que nous nous voyons, et ce soir, il m’a dit partir bientôt pour la Saintonge, pour accompagner la favorite enceinte et donner de ses nouvelles à Sa Majesté. »
Surprenant un air inattendu sur les traits de sa maîtresse, Perrine fronça un instant les sourcils, avant de lui adresser un sourire et de la rassurer – simplement, ça n’était pas pour les bonnes raisons.
« Ce n’est pas juste pour lui tirer des informations que j’en ai fait mon amant ! J’en avais juste envie… Mais puisqu’il s’avère en plus avoir des informations intéressantes… »
Une moue un brin diabolique vint tordre ses lèvres. Quand intrigue et plaisir se mêlaient, elle n’allait certainement pas se dérober !

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MessageSujet: Re: /Flash-back/ Ou comment Perrine et Gabrielle décidèrent de partir dans le sud-ouest (Perrine)   /Flash-back/ Ou comment Perrine et Gabrielle décidèrent de partir dans le sud-ouest (Perrine) Icon_minitime11.03.12 0:03

Comme le destin avait parfois des voies impénétrables ! Qui aurait pu croire que ce soir-là, après une journée aussi habituelle à Versailles, allait se mettre en branle le plus vaste projet de la Main de l'ombre et celui qui aurait les plus grandes répercussions ? Que seulement quelques mois plus tard, pour de simples mots lâchés au cœur de la nuit par une suivante à sa maîtresse, la cour allait être bouleversée par l'enlèvement de la favorite du roi, la pire injure que l'on puisse faire à un souverain ? Pourtant, aucun signe ne l'avait annoncé, aucun événement, même minuscule n'avait montré que cette journée serait à marquer d'une pierre blanche. Personne ne saurait jamais que tout avait commencé à cette date-là, dans ces petits appartements d'une jeune femme apparemment bien innocente. Gabrielle de Longueville n'avait que vingt ans et malgré sa grande intelligence et son intuition, elle-même ne se doutait pas de tout ce qu'elle allait déclencher. Elle eut néanmoins une pensée fugitive pour le pouvoir des mots. Sans doute, avait-il suffit qu'Amy avoue son état à une servante ou qu'une chambrière l'apprenne pour que l'information passe d'oreille en oreille jusqu'à parvenir à la vipère qu'était Perrine. Combien de réputations étaient perdues à Versailles à cause d'une banale rumeur lancée dans un couleur par une malveillante ? Combien de vies étaient ébranlées par quelques mots parvenant par le fruit du hasard jusqu'à une personne qui les utilisaient à mauvais escient ? Personne ne pourrait jamais le dire, songea la jeune femme. Mais elle savait que grâce à cette phrase prononcée par son amie, désormais elle avait un coup d'avance sur Amy of Leeds et elle comptait bien en profiter.

Elle regardait Perrine Harcourt en souriant, se rendant compte que sa camériste se trouvait dans le même état d'excitation qu'elle. Elle pouvait tout partager avec sa meilleure amie et rien que garder le secret de l'identité du chef du complot à la demande même d'Hector pesait parfois sur sa conscience. Mais Hector finirait bien par se rendre compte de l'atout que représentait Perrine. Elle et Gabrielle étaient parfaitement semblables, toutes deux n'avaient ni scrupules ni cœur. Mais en fixant les prunelles brillantes de sa meilleure amie, Gabrielle prit conscience que Perrine était peut-être même pire qu'elle. A quels jeux cruels ne les avait-elle pas entraînés, elle et son frère durant leur enfance ? Rien n'indiquait jamais que Perrine ait des regrets ou même des sentiments de culpabilité envers ceux qui se retrouvaient être ses victimes. Combien de fois était-ce elle qui avait entraîné Gabrielle dans des cabales ? Si la duchesse savait pour quoi elle se battait, pour qui elle cherchait à secouer le trône, Perrine ne faisait cela que par dévouement pour elle et par simple plaisir de se réjouir du malheur des autres. Mais Gabrielle aurait parfois aimé être plus comme elle, plus froide, plus impitoyable encore. Si seulement elle pouvait mieux contrôler les battements de son cœur... Elle adressa un clin d’œil à sa meilleure amie et lui serra un peu plus fort les mains. Elle ne le disait jamais de vive voix mais cela suffisait pour que Perrine comprenne l'affection que sa maîtresse lui portait. Plus que de l'affection. Gabrielle avait besoin d'elle, de sentir la présence de son mauvais génie, son âme damnée. En cet instant, il n'y eut plus de maîtresse et de servante, s'effacèrent toutes les barrières que dressait la société. Juste deux amies machiavéliques qui tenaient une nouvelle proie dans leur poigne.

A vrai dire, elle n'avait pas vraiment de raison de chercher à savoir comment Perrine s'y était prise pour connaître cette information, elle n'en avait pas grand-chose à faire en plus et la suite lui confirma qu'elle aurait mieux fait de ne rien demander :

- C’est du Perche qui m’en a parlé. Il y a quelques temps que nous nous voyons, et ce soir, il m’a dit partir bientôt pour la Saintonge, pour accompagner la favorite enceinte et donner de ses nouvelles à Sa Majesté.

L'attitude de Gabrielle, malgré sa virtuosité et son habitude à dissimuler ses sentiments, changea du tout au tout. Elle se crispa et arracha brusquement ses mains à celles de Perrine. Son visage rayonnant et serein s'était figé en une expression interdite, proche de la grimace et elle se sentit blêmir. Avait-elle bien entendu ? Perrine venait-elle bien de dire qu'elle voyait régulièrement le comte du Perche pour passer des soirées avec lui avec tout ce que cela supposait. Elle eut l'impression de suffoquer mais cette fois-ci parvint à se contrôler et reprit son souffle.

- Ce n’est pas juste pour lui tirer des informations que j’en ai fait mon amant ! J’en avais juste envie… Mais puisqu’il s’avère en plus avoir des informations intéressantes…

Pauvre Perrine, si elle savait qu'elle venait de remuer le couteau dans la plaie ! D'une voix blanche, ayant presque totalement oublié la nouvelle qui lui faisait tant plaisir à peine quelques minutes auparavant, Gabrielle répéta stupidement :

- Tu as fait de Guillaume du Perche ton amant ? Parce que tu en avais envie ?

Elle-même ne comprenait pas pourquoi cette information la bouleversait autant. Certes Perrine avait un peu outrepassé les demandes de sa maîtresse concernant le jeune homme qu'elle devait simplement surveiller mais après tout, Gabrielle ne lui avait jamais interdit de l'approcher. Pourtant, elle se sentait bizarrement trahie. Par Perrine tout d'abord, celle qui était sa meilleure amie et qui ne lui avait jamais parlé de cet amant. Par Guillaume beaucoup plus, celui qui avait osé l'embrasser dans un couloir de Versailles et qui passait ses nuits avec sa propre servante. Pourtant, elle le connaissait, elle savait qu'il était coureur de jupons, qu'elle n'était qu'un jeu pour lui, qu'il s'amusait. Alors pourquoi est-ce que ça faisait aussi mal ? Y avait-elle cru finalement ? De nouveau, Gabrielle sauta du lit et tenta de reprendre une contenance. Elle sentait le regard interrogateur de Perrine sur elle et sentit qu'elle avait besoin d'une explication. La jeune femme utilisa la première excuse qui lui venait à l'esprit :

- C'était moi qui était chargée de le surveiller, tu le sais. J'aurais aimé que tu n'interfères pas dans mes missions même juste pour passer du bon temps. Ou au moins que tu me préviennes auparavant.

Cela m'aurait peut-être évité de me faire des illusions, compléta-t-elle pour elle-même. Elle avait retrouvé un peu de son assurance et ce fut d'une voix plus ferme et moins amère qu'elle poursuivit :

- Cela dit, je suppose que je dois te féliciter. Tu as réussi là où j'ai échoué. Si du Perche est au courant pour la grossesse et le voyage de la favorite jusqu'en Guyenne, ce n'est certainement pour sa qualité de séducteur ou de joueur de cartes. Je suppose qu'il doit avoir la confiance du souverain et qu'il va donc accompagner l'expédition. Amy de Leeds prendra certainement une ou deux amies de confiance avec elle tout comme sa sœur. Tu as raison de dire que cela ne doit pas être très conséquent en tout cas. Tous ces gens-là n'imaginent pas à quel point on peut leur vouloir du mal.


Gabrielle réprimait la douleur qui la transperçait jusqu'à ce qu'elle soit supportable. Était-elle donc stupide de se mettre dans de tels états pour un homme qui le méritait si peu au moment même où elle pouvait abattre une carte maîtresse dans la partie d'échecs qui l'opposait au pouvoir en place ! Pour éviter de devoir faire face à la suspicion de la jeune femme, elle se mit à faire les cents pas dans sa petite chambre tout en réfléchissant à la meilleure manière de procéder. Au moins, cela lui évitait de penser à autre chose.

- Tu parlais de la mettre en danger, de la tenir en notre pouvoir... Il est certain que si nous parvenions à écarter les quelques personnes qui l'entourent, nous pourrions nous saisir d'elle et la menacer.

Gabrielle releva la tête et lança d'une voix triomphale qui tranchait avec son attitude précédente :

- Dis-moi... Pensais-tu à un... Un enlèvement ?

Le mot était lancé.
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MessageSujet: Re: /Flash-back/ Ou comment Perrine et Gabrielle décidèrent de partir dans le sud-ouest (Perrine)   /Flash-back/ Ou comment Perrine et Gabrielle décidèrent de partir dans le sud-ouest (Perrine) Icon_minitime11.04.12 19:00

Si du Perche avait commis la fatale erreur de penser que les quelques mots soufflés à Perrine au détour d’une étreinte n’avaient rien que de très innocents, la jeune camériste ne pouvait se flatter d’avoir été plus habile auprès de sa maîtresse. Elle n’avait certes pas mis en branle les mêmes ombres que Guillaume, et leurs aveux n’avaient aucune mesure, mais sur les traits soudains crispés de Gabrielle, Perrine ne put que lire à quel point ce qu’elle venait de dire était lourd de sens pour elle. Sourcils froncés, elle n’eut d’autre choix que de lui laisser arracher ses mains aux siennes, et achever son explication. Qu’avait-elle fait qui puisse provoquer une telle réaction de la part de son amie, habituellement si maîtresse d’elle-même ? Qu’y avait-il donc de si terrible qui puisse ainsi la faire blêmir ? Les questions, suspicieuses, ne tardèrent pas à s’imposer à l’esprit vif de la jeune domestique, et avec elles, une pointe d’inquiétude dont elle ne laissa paraître qu’un regard interrogateur. Si Perrine se mêlait de toutes ces intrigues, si elle s’était si vivement enthousiasmée de la nouvelle de la grossesse de la favorite, ça n’était pas uniquement par plaisir du complot. Si elle jouait avec tant d’application son rôle d’âme damnée, c’était d’abord et avant tout pour Gabrielle, et à voir la façon dont elle prenait ces nouvelles, elle ne pouvait que craindre de l’avoir blessée. Pareille inquiétude ne lui venait que rarement, le sort de ses victimes lui tirant au mieux une pointe de cynique pitié, mais le peu de cœur qu’elle possédait n’aurait supporté de heurter celle qui, en dépit de toutes les barrières qui se dressaient entre une duchesse et une camériste, n’était pas moins que sa meilleure amie.

« Tu as fait de Guillaume du Perche ton amant ? Parce que tu en avais envie ? répéta Gabrielle d’une voix qui n’avait plus rien de commun avec l’excitation précédente. »
N’osant un mot de plus, Perrine hocha simplement la tête, plantant ses deux prunelles dans celles de la duchesse, y cherchant sans succès une explication. Certes, c’était Gabrielle que l’on avait chargée de surveiller du Perche, et non elle. Mais après tout, elle n’avait rien fait que dans le but de rendre jaloux Paris. Et si par là elle parvenait à obtenir quelques informations que sa maîtresse n’aurait pu soupçonner, pourquoi se mettre dans un tel état ? Sentant bien que quelque chose lui échappait, Perrine l’observa sauter du lit, sans la suivre ni la quitter du regard. Quel secret, quelle histoire venait-elle de remuer ?
« C'était moi qui était chargée de le surveiller, tu le sais, reprit la jeune femme. J'aurais aimé que tu n'interfères pas dans mes missions même juste pour passer du bon temps. Ou au moins que tu me préviennes auparavant. »
Toujours plus suspicieuse, Perrine se contenta de hausser un sourcil, perplexe. Ses petites entrevues avec du Perche ne dataient pas de la veille, et si jusque là personne ne s’en était rendu compte, c’était bien qu’elles n’interféraient en rien dans les desseins que l’on pouvait nourrir à l’égard du comte. Elle ne posa pas de question, cependant. Rares étaient les secrets entre ces deux machiavéliques amies, mais il semblait bien que chacune d’entre elles, cette fois, ait quelque chose sur le cœur. Quelque chose qu’elles ne pouvaient, ou ne voulaient pas avouer. Un instant, Perrine songea à Paris. Gabrielle ne serait pas la première à ce qu’il y avait, cette fois, au fond de ses pensées.

« Cela dit, je suppose que je dois te féliciter, poursuivait Gabrielle. Tu as réussi là où j'ai échoué. Si du Perche est au courant pour la grossesse et le voyage de la favorite jusqu'en Guyenne, ce n'est certainement pour sa qualité de séducteur ou de joueur de cartes. Je suppose qu'il doit avoir la confiance du souverain et qu'il va donc accompagner l'expédition. Amy de Leeds prendra certainement une ou deux amies de confiance avec elle tout comme sa sœur. Tu as raison de dire que cela ne doit pas être très conséquent en tout cas. Tous ces gens-là n'imaginent pas à quel point on peut leur vouloir du mal. »
A nouveau, l’un de ces sourires presque effrayants de condescendance effleura les lèvres de Perrine, bien qu’elle s’y laissât aller avec un peu moins d’entrain que quelques minutes plus tôt. Si l’idée de la tranquillité illusoire dans laquelle se croyaient « tous ces gens-là » ne manquait pas d’un certain cynisme qui ne lui déplaisait pas, la conversation avortée concernant du Perche lui laissait un goût amer d’inachevé. Il fut un temps où elle aurait demandé sans détour à son amie ce qui lui déplaisait, mais la demoiselle avait grandi, et savait reconnaître un véritable secret lorsqu’elle en voyait un. Si Gabrielle souhaitait vraiment qu’elle arrête, elle lui expliquerait. D’ici-là… elle chercherait toute seule. Il n’était certainement pas temps d’abandonner l’atout qu’était la possibilité de duper Guillaume maintenant. Pas alors que, malgré son trouble passager, la duchesse semblait déjà chercher quel serait la meilleure façon de tirer parti de la nouvelle. Renonçant au regard suspicieux dont elle n’avait pas lâché sa maîtresse, sans se douter un instant du poignard qu’elle lui avait planté dans le dos, Perrine rassembla ses genoux contre sa poitrine, et chassa de son esprit tout ce qui ne concernait pas Amy de Leeds.
« Tu parlais de la mettre en danger, de la tenir en notre pouvoir... Il est certain que si nous parvenions à écarter les quelques personnes qui l'entourent, nous pourrions nous saisir d'elle et la menacer. A ces mots, l’intéressée hocha la tête, le regard soudain allumé d’un nouvel éclat. La solution semblait évidente. Mais elle n’eut pas le temps de se prononcer que Gabrielle lui prouva qu’il arrive, en effet, aux grands esprits de se rencontrer. Dis-moi... Pensais-tu à un... Un enlèvement ? »

Un sourire mauvais étira les lèvres de Perrine alors que, lentement, elle approuvait. En un bond, elle fut debout à son tour, et s’approcha à nouveau de sa complice, comme pour dérober leur conversation à la rumeur des nombreux murmures que l’on pouvait parfois, en tendant l’oreille, si opportunément saisir dans l’immense château endormi.
« Elle sera presque seule, et loin de tout ! Si on arrive à savoir assez précisément de qui elle sera accompagnée… souffla-t-elle. Imagines-tu ce que l’on pourrait exiger du roi en la retenant ne serait-ce que quelques jour dans un endroit d’où personne sauf nous ne pourrait la faire sortir ? »
Perrine n’avait qu’une vague idée de l’homme qui pouvait être à la tête de cette vaste machination qu’était la Main de l’Ombre, et ne saisissait sans doute pas tous les enjeux d’un tel enlèvement, mais ce dont elle était certaine, c’est qu’il faudrait, d’une façon ou d’une autre, faire plier le monarque. Et tout monarque qu’il était, résisterait-il aux menaces que l’on pourrait faire planer au-dessus de sa favorite et de l’enfant qu’elle portait ? Prenant à son tour les mains de Gabrielle dans les siennes, et lui adressa un sourire rayonnant.
« Personne ne connait son état, et elle prétextera sans doute un voyage de repos, une envie de s’éloigner de la Cour… Personne ne s’y attendra ! L’occasion est trop belle ! »
Elle voyait d’ici le vent de panique et de ragots qui déferlerait sur la cour et à cette idée, un nouvel éclat passa dans son regard, ce même regard que certains ne voyaient que comme celui d’une charmante, et inoffensive camériste.

Sans doute en aurait-elle dit plus si un froissement derrière la porte n’avait attiré son attention. Vivement, elle tourna la tête, mais revint rapidement à Gabrielle. L’heure était celle à laquelle les domestiques se couchaient, et elles avaient parlé bien trop bas pour êtres entendues. Le lieu, cependant, n’était guère propice comploter plus avant. Serrant légèrement les mains de son amie, elle reprit la parole.
« Nous ne devrions pas nous étendre ici. Mais je suis certaine qu’on peut en apprendre plus sur cette expédition. Quelques domestiques sont certaine déjà prévenus, et nous savons déjà que du Perche y sera. Au nom du jeune homme, un instant, elle hésita. Veux-tu que je trouve un autre moyen d’en apprendre plus ? »

Si tel était le cas, elle trouverait. Mais en attendant, l’heure était venue de laisser à la nuit la place qui était la sienne.
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MessageSujet: Re: /Flash-back/ Ou comment Perrine et Gabrielle décidèrent de partir dans le sud-ouest (Perrine)   /Flash-back/ Ou comment Perrine et Gabrielle décidèrent de partir dans le sud-ouest (Perrine) Icon_minitime24.04.12 11:27

Si des questions avaient surgi dans l'esprit de Perrine, si des soupçons étaient nés devant le comportement très étrange de son amie, elle n'en souffla mot. Mais Gabrielle la connaissait assez pour savoir qu'elle n'était pas entièrement dupe de son explication. Depuis combien d'années se côtoyaient-elles ? Assez pour lire sur le visage l'une de l'autre les mensonges et les non-dits. Néanmoins, la camériste n'était pas encore assez perspicace – qui aurait pu l'être ? – pour deviner ce que la jeune femme se dissimulait à elle-même. La duchesse n'avait jamais connu ce sentiment auparavant, comment aurait-elle pu le reconnaître avec certitude ? Et combien même, aimer, ce mot-là même était interdit pour une personne de sa condition que l'on marierait sans lui demander son avis ! Jusqu'à présent, elle pensait prendre seulement un certain plaisir à jouer avec le comte du Perche. La séduction était uniquement un amusement comme cela avait été le cas avec tous les amants qu'elle avait bien pu avoir jusque-là, les platoniques qui lui récitaient des vers romantiques dans les salons comme les véritables à l'image de Francesco di Venezia. Elle avait pensé que l'obsession qu'elle avait pour Guillaume et pour ses lèvres n'était qu'une déclinaison de l'intérêt qu'elle portait à cette mission d'importance que lui avait confiée son cher Hector. Pendant que certains faisaient en sorte que de tierces personnes se taisent à jamais sur les activités de la Main de l'ombre, elle séduisait, tâtait le terrain auprès des gens prêts à tomber du côté de la révolte, promettait un nouveau roi et une nouvelle façon d'exercer le pouvoir, préparait le programme qui permettrait de remettre les Grands au pouvoir et leur redonner leur dignité. Chacun à son poste. Mais tout avait commencé à changer avec ce deuxième baiser. Et la blessure qui avait transpercé son cœur au moment où Perrine lui avait avoué la manière dont elle s'y était prise pour apprendre ce secret ne laissait plus vraiment de place au doute. Mais Gabrielle refoula tout, elle savait dissimuler, c'était là sa principale qualité.

En reposant ses prunelles sur Perrine, elle ne put s'empêcher de détester le ton badin et triomphal avec lequel elle avait lâché cette bombe au milieu de la pièce. Comme si elle attendait des félicitations, pire des encouragements pour avoir osé la blesser. Cela aurait pu la rendre folle de rage si ce n'avait pas été Perrine, sa plus chère amie, si elle avait eu des raisons légitimes de s'emporter contre elle, elle ne lui avait jamais donné aucune instruction le concernant. Qu'est-ce qui lui avait pris de lui poser cette malheureuse question ? Gabrielle se promit que jamais plus elle ne s'intéresserait aux méthodes d'investigation de Perrine. Non que cela la répugnât outre mesure mais elle préférait les ignorer, c'était plus prudent. Elle ne prêta aucune attention au regard assez interrogateur de son amie qui semblait tout de même se demander ce qu'elle avait bien pu faire de mal. Elle n'avait aucune envie de s'épancher sur les affres de son cœur un soir où une telle nouvelle venait de lui parvenir. Elle haïssait cette impression de ne plus rien maîtriser, pire encore de ne plus se maîtriser elle-même. Elle sentait bien qu'elle n'avait le courage de faire de telles confidences et de se prêter au jugement de Perrine, celui qui comptait le plus après peut-être celui de sa mère mais ce dernier était toujours décevant car sa mère était impossible à contenter. Un jour, sans doute, elle devrait avouer ce qu'elle venait de deviner sur ce qui se passait en elle. Mais d'ici là, elle aurait sans doute accepté ce qu'elle ressentait pour Guillaume du Perche. Et ce n'était pas pour tout de suite. Pas pour ce soir-là au moment où elle venait d'apprendre que Guillaume couchait avec sa propre camériste et ne partageait pas son amour. Cette idée continuait à la torturer mais Gabrielle la chassa de ses pensées. Amy of Leeds méritait qu'on lui accorde une pleine attention.

La suite de la conversation la détendit tout à fait. Il n'y avait rien de mieux que de parler intrigues et vilenies pour occuper son esprit surtout avec Perrine. Cette dernière sembla également plus à l'aise de changer de sujet de conversation. La déception de Gabrielle la rendit d'autant plus impatiente de trouver une menace à faire peser sur les épaules de la favorite. Puisque cette information avait été gagnée au prix de la paix de son cœur et de sa tranquillité d'esprit, autant en faire un bon usage... Ou plutôt en ces circonstances, le pire que la duchesse de Longueville puisse imaginer :

- Dis-moi... Pensais-tu à un... Un enlèvement ?

En croisant le regard de Perrine, Gabrielle sut qu'elle avait pensé exactement la même chose au même instant. Oui, tant qu'on ne parlait pas de sentiments, les deux jeunes femmes se comprenaient parfaitement. A elles deux, elles auraient pu soulever des montagnes, faire changer les vents de direction si elles l'avaient voulu. Renverser des rois... ? Voilà qui n'avait rien d'impossible. Un sourire mauvais éclaira le visage de la jeune femme et de nouveau, elle fixa son amie droit dans les yeux. Toute idée même de trahison de la part de cette dernière avait été oubliée. L'expression de Perrine était à demi-dissimulée par l'obscurité de la pièce mais les quelques bougies que la petite servante avait allumées avant de laisser Gabrielle pour la nuit faisaient briller ses prunelles d'un éclat nouveau, parfaitement diabolique. D'un ton très bas, comme si elle imaginait que des oreilles étaient collées aux battants des portes pour écouter leur conversation, ton qui ramena une fois encore la duchesse dans le passé, elle murmura :

- Elle sera presque seule, et loin de tout ! Si on arrive à savoir assez précisément de qui elle sera accompagnée… Imagines-tu ce que l’on pourrait exiger du roi en la retenant ne serait-ce que quelques jours dans un endroit d’où personne sauf nous ne pourrait la faire sortir ? Personne ne connaît son état, et elle prétextera sans doute un voyage de repos, une envie de s’éloigner de la Cour… Personne ne s’y attendra ! L’occasion est trop belle !
- L'occasion est trop belle, souffla la jeune femme en écho, songeuse.

La fébrilité s'emparait de Gabrielle malgré sa fatigue. Tout ce que disait Perrine était si logique. Elle aurait juste besoin de s'éloigner de la cour pendant un certain temps pour pouvoir gérer au mieux ce projet. Mais après tout, cela lui permettrait aussi de faire un pied de nez à son frère qui avait comploté avec sa cousine Victoire de Noailles pour la faire quitter Versailles. Et cela faisait un temps important que sa mère Anne-Geneviève, depuis son couvent parisien, lui répétait d'aller se délasser à Pont-de-l'Arche voire de visiter les terres des Longueville dans le sud. C'était absolument parfait. Elle irait sur les traces d'Amy of Leeds. Non, elle irait même en avant et elle la ferait tomber dans la gueule du loup sans qu'elle ne devine rien. Restaient ceux qui seraient chargés de sa protection. Lorsque Perrine laissa tomber le nom de Du Perche dans la conversation de manière hésitante, Gabrielle se raidit instinctivement mais se reprit tout de suite sans que son amie ne pût s'en apercevoir. A vrai dire, pouvait-elle vraiment protester ? Avait-elle seulement un argument valable à lui opposer ?

- Oui, essaie d'en apprendre plus par les domestiques de la favorite. Il y en a bien une qui acceptera de se plaindre de son futur voyage à une camériste compatissante, n'est-ce pas ? Quant au comte... Il semble ne pas se méfier de toi, continue donc tes petites affaires avec lui... Mais je ne veux plus être au courant...

Ces mots lui firent mal au cœur mais c'était trop tard, l'engrenage était lancé et même le visage d'un Guillaume, cet homme trompeur et séducteur, ne pourrait la faire changer d'avis. Elle avait même déjà son avis pour la manière de l'occuper sur place. Cela la répugnait, la dégoûtait assez pour qu'elle ne proposât pas cette solution immédiatement. Mais il leur faudrait un jour aborder le sujet. Elle acquiesça à la proposition de Perrine de reporter leur discussion. Elle aussi venait d'entendre les bruits derrière la porte et de toute façon, rien de plus ne ressortirait de cette soirée. C'était déjà bien assez d'avoir appris tout cela. Ce fut en arborant un demi-sourire mesquin qu'elle embrassa Perrine et lui souhaita bonne nuit avant de retourner s'allonger dans son grand lit à baldaquin. La nuit... Elle serait courte et agitée. Parviendrait-elle seulement à dormir ? Combien même, dans ses rêves, elle serait sans doute déjà en train d'enlever la favorite !

La suite...
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